de l’entendre, Verres, Vettius dit que votre greffier a rédigé les conditions de ce trafic ; les chefs de la ferme le menacent aussi dans leur lettre. Les deux chefs de la ferme, associés alors à Vettius, étaient par hasard greffiers. Ils sont fort mécontents qu’on leur ait arraché deux centièmes ; et leur mécontentement est fondé : car qui se permit jamais une pareille malversation ? Quel magistrat entreprit jamais, ou crut qu’il fût possible de tirer de l’argent, c’est-à-dire, un intérêt, des fermiers de nos domaines, à qui le sénat laissa plus d’une fois de l’argent pour les soulager ? Non, certes, Verrès n’aurait aucun espoir d’être absous, s’il était jugé par les fermiers de nos domaines, c’est-à-dire, par les chevaliers romains. Il doit avoir encore moins d’espoir en se voyant accusé devant des sénateurs, qui seront d’autant plus sévères, qu’il est plus beau d’être touché des torts faits à autrui, que de ceux qui nous regardent. Que pouvez-vous répondre, Verrès, à ces reproches ? Nierez-vous le fait, ou entreprendrez-vous de justifier votre conduite ? Pouvez-vous nier le fait, lorsque vous êtes convaincu par l’autorité d’une telle lettre, par tant de témoins pris parmi les fermiers de nos domaines ? Essayerez-vous de justifier votre conduite ? Certes, si je montrais que, dans votre province, vous avez fait valoir votre argent, et non celui du peuple romain, vous ne pourriez échapper : mais, qu’il vous fût permis de faire valoir l’argent de notre trésor, un argent qui vous était donné pour le blé, un argent dont vous avez fait payer l’intérêt aux fermiers de l’État, à qui le persuaderez-vous ? Je ne parle pas des autres ; vous-même, vous ne fîtes jamais rien qui portât un plus grand caractère d’effronterie et de perversité. Non, juges, je ne puis dire que le délit, dont je vais bientôt vous entretenir, de n’avoir absolument bien payé au plus grand nombre des villes pour leur blé ; je ne puis dire que ce délit, tout étrange qu’il paraisse, annonce plus d’audace ou plus d’impudence. Le vol est plus considérable peut-être ; mais certainement l’effronterie n’y est pas moindre. Et puisque j’en ai dit assez sur cette usure criminelle, je vais maintenant, juges, vous parler de toutes ces autres sommes détournées à son profit.
LXXIII. Il est dans la Sicile plusieurs villes opulentes et illustres, parmi lesquels les il faut compter surtout celle d’Halèse. Vous n’en trouverez aucune dont la fidélité soit plus constante, dont les richesses soient plus grandes, dont l’autorité soit d’un plus grand poids. Verrès l’avait assujettie à vendre tous les ans soixante mille boisseaux de blé ; au lieu de blé, il exigea d’elle de l’argent, selon la valeur du blé, en Sicile, et retint tout l’argent qu’il avait reçu du trésor. Je fus étonné, juges, la première fois que cette malversation me fut démontrée dans le sénat d’Halèse par le citoyen de cette ville qui a le plus de talents, de lumières et de considération, par Énéas, que le sénat avait chargé, au nom de la ville, de nous remercier, mon cousin et moi, et de nous donner des renseignements sur la cause. Il nous dit que le préteur, après s’être emparé de tout le blé par le moyen des dîmes, s’était fait un usage et une règle d’exiger de l’argent des villes, de rejeter leur blé, et d’envoyer à Rome, sur les provisions de grains pillées à son profit, tout ce qu’il en fallait envoyer. Je demande les comptes, je regarde les registres ; je vois que les habitants d’Halèse, chargés de nous vendre soixante mille boisseaux de blé, n’en avaient pas fourni un seul grain, mais avaient remis de l’argent à