Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/27

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amis qui m’entendent. Non, pour l’attachement au parti, vous ne vous cédiez rien l’un à l’autre ; mais c’est vous, sans contredit, qui avez remporté le prix du génie, de l’expérience, de l’adresse : c’est assez de qualités sans parler des autres. Alphénus a péri avec ceux qu’il aimait, et pour eux. Mais vous, Névius, quand vous avez vu que vos amis ne pouvaient triompher, vous vous êtes fait l’ami de ceux qui triomphaient. Au reste, je ne veux pas rappeler le souvenir d’événements qu’il faudrait, selon moi, ensevelir dans un éternel oubli.

XXII. Je ne dis qu’une chose : si l’influence d’un parti donnait du pouvoir a Alphénus, elle en donnait beaucoup plus à Névius. Si Alphénus usait de son crédit pour demander des choses injustes, Névius en obtenait par le sien de bien plus injustes encore. Vous dites que vous n’étiez pas en état de lutter alors avec Alphénus, parce qu’il n’était pas tout à fait sans appui contre vous, parce qu’il se rencontrait un magistrat dont il pouvait espérer quelque justice. Que doit donc dire aujourd’hui Publius, qui n’a pu jusqu’ici ni trouver un magistrat impartial, ni obtenir une procédure régulière, qui na entendu aucune demande, qui ne s’est vu dicter aucun acte, qui ne fût, je ne dis pas inique, mais inouï et sans exemple ? — Je voudrais bien plaider sur la somme que vous réclamez. — Impossible. — Mais c’est là tout l’objet du procès. — Peu m’importe ; c’est votre tête qu’il faut défendre. — Accusez-moi donc, puisque la nécessité l’exige. — Oui ; mais c’est lorsque, d’après une jurisprudence nouvelle, vous aurez plaidé le premier, vous parlerez malgré vous, et nous fixerons le temps que vous parlerez ; le juge même recevra la loi de nous. Alors vous trouverez sans doute un avocat tel que le barreau en voyait jadis, dont le courage ne sera point intimidé par l’éclat qui nous environne, et saura braver notre crédit. Pour moi, Philippe, que son éloquence, son caractère et ses dignités ont placé si haut dans la république, soutiendra ma cause ; Hortensius, dont vous connaissez le génie, la naissance, la réputation, portera la parole ; avec eux paraîtront de nobles et puissants personnages, dont le nombre et la présence suffiraient pour faire trembler non-seulement Publius, qui a sa vie à défendre, mais tout homme qui ne courrait même aucun danger. Voilà, Névius, un combat vraiment inégal, bien différent de ceux par lesquels vous avez préludé avec Alphénus à cette guerre cruelle ; ici vous ne laissez pas même à votre adversaire une position ou il puisse se défendre contre vous. Je le dis donc : il vous faut ou prouver qu’Alphénus ne s’est pas annoncé comme représentant de Publius, qu’il n’a pas arraché vos affiches, qu’il n’a pas voulu vous répondre en justice, ou, en convenant de tous ces faits, convenir en même temps que vous n’avez jamais possédé les biens de Publius aux termes de l’édit.

XXIII. Répondez en effet : si vous les avez possédés à ce titre, pourquoi n’ont-ils pas été vendus ? pourquoi ses autres créanciers et ceux qui lui servaient de caution ne se sont-ils pas assemblés ? Serait-ce que Publius n’avait pas de créanciers ? Il en avait, et même de nombreux ; car son frère avait laissé des dettes. Eh bien ! ces créanciers ne tenaient à Publius par aucun lien ; il était leur débiteur ; et toutefois il ne s’en est pas trouvé un d’une assez insigne méchanceté pour attaquer l’honneur d’un absent. Un seul,