Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/319

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la province, se trouvant inquiété à Rome, le sénat avait voulu décerner l’hommage qu’ils devaient à leur bienfaiteur, et que Verrès l’en avait empêché ; qu’à la vérité Péducéus n’avait plus besoin de leur suffrage ; mais qu’il serait injuste de ne pas prendre cet arrêté, si conforme à leur ancien désir, avant de s’occuper de celui qu’on leur arrachait par violence.

Tous s’écrient et demandent la priorité pour Péducéus. On fait le rapport. Chacun opine suivant son âge et sa dignité. C’est ce que vous allez connaître par le sénatus-consulte ; les noms des premiers opinants y sont inscrits. Lisez : Sur une proposition faite en faveur de Péducéus. Le projet est adopté. Ensuite on fait le rapport au sujet de Verrès, Voyons comment la chose s’est passée. Sur une proposition faite en faveur de Verrès. La suite : Comme personne ne se levait et ne donnait son avis. Eh bien ! On tire au sort. Comment ! il s’agit de louer votre préture, il s’agit de vous secourir, et personne ne se présente, quoique par ce moyen on soit assuré de plaire à votre successeur ! Vos convives eux-mêmes, vos conseillers, vos complices, vos associés n’osent dire un seul mot. Ils ont devant eux votre statue, la statue de votre fils tout nu, et pas un seul cœur ne s’ouvre à la pitié !

Les Syracusains me font connaître encore, par les termes même du décret, que cet éloge n’est qu’une dérision qui rappelle la honte et les malheurs de sa préture. Voici comme il était rédigé : Le sénat, considérant que Verrès n’a fait battre personne de verges ; et vous savez que des hommes distingués et innocents ont été frappes de la hache : qu’il a administré la province avec vigilance ; il est notoire qu’il n’a jamais veillé que pour la débauche et l’adultère. Ils avaient ajouté un troisième considérant, tel que l’accusé n’oserait jamais le produire, et que l’accusateur ne cesserait jamais de le répéter. C’était qu’il avait garanti la Sicile des incursions des pirates ; et, grâce a lui, les pirates étaient entrés jusque dans l’île de Syracuse. Après avoir obtenu ces renseignements, nous sortîmes, afin que les sénateurs pussent délibérer.

LV. Ils arrêtent aussitôt que les honneurs de l’hospitalité publique seront offerts à mon frère, parce qu’il a montré aux Syracusains la même bienveillance dont j’ai toujoure été animé pour eux. Non-seulement cet arrêté fut transcrit dans leurs registres, mais on nous en remit une copie gravée sur l’airain. Il faut l’avouer, Verrès, ils vous aiment tendrement, ces Syracusains dont vous nous parlez sans cesse. Un homme se dispose à vous accuser ; il vient recueillir des informations contre vous, et c’est un titre suffisant pour qu’ils s’unissent a lui par les nœuds de la plus intime amitié. On propose ensuite de rapporter l’arrêté pris en faveur de Verrès : il est rapporté sans aucun débat et presque à l’unanimité.

La délibération était finie. Déjà la rédaction était transcrite dans le procès-verbal. On en appelle au préteur. Mais qui forma cet appel ? Un magistrat ? non. Un sénateur ? pas même un sénateur. Un Syracusain ? point du tout. Qui donc ?