Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/366

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de la cause et quel sort vous attend, je n’userai plus de ces vains ménagements. Je ferai voir que ce Gavius, que vous avez transformé subitement en espion, a été jeté par votre ordre dans les carrières. Je le prouverai par les registres de la prison. Et ne dites pas que j’applique ici le nom d’un autre Gavius : je produirai des témoins, à votre choix, qui diront que c’est celui-là même qui, par votre ordre, a été renfermé dans les carrières. Je ferai entendre aussi les habitants de Cosa, ses concitoyens et ses parents, qui, trop tard pour lui, mais assez tôt pour les juges, prouveront que ce Gavius que vous avez fait expirer sur la croix était un citoyen romain, un habitant de Cosa, et non pas un espion des esclaves révoltés.

LXIV. Après que cette accumulation de preuves, que je m’engage à produire, aura tout éclairci pour ceux qui sont assis près de vous, je vous confondrai vous-même par vos propres aveux, et je n’aurai pas besoin d’autres armes pour vous accabler. Car enfin, lorsque, troublé par les cris et le soulèvement du peuple, vous vous levâtes avec effroi, n’avez-vous pas dit qu’afin de retarder son supplice, cet homme avait crié qu’il était citoyen romain, mais que c’était un espion. Mes témoins sont donc vrais. Car n’est-ce pas là ce que dit C. Numitorius ? ce que disent les deux Cottius, citoyens distingués de Traurominium, Q. Luccéius, riche banquier de Rhége, et tous les autres ? En effet, les témoins que j’ai fait entendre déclarent, non pas qu’ils ont connu Gavius, mais qu’ils ont vu mettre en croix un homme qui criait, JE SUIS CITOYEN ROMAIN. Vous le dites vous-même ; vous avouez qu’il criait qu’il était citoyen romain, et que ce titre invoqué par lui n’a pas eu sur vous assez de pouvoir pour vous inspirer quelque doute et faire au moins retarder de quelques instants cette horrible exécution.

Juges, je m’en tiens à cet aveu ; je m’y attache ; il me suffit, je laisse et j’abandonne tout le reste ; sa réponse le condamne, et son propre témoignage est l’arrêt de sa mort. Vous ne le connaissiez pas ! vous le soupçonniez d’être un espion ! je ne demande pas sur quel fondement ; je vous prends par vos propres paroles : il se disait citoyen romain. Mais vous-même, si vous vous trouviez chez les Perses, ou aux extrémités de l’Inde, près d’être conduit au supplice, quel cri feriez-vous entendre, si ce n’est, Je suis citoyen romain ? Eh bien ! chez des peuples à qui vous seriez inconnu, chez des barbares, chez des hommes relégués aux bornes du monde, le nom de Rome, ce nom glorieux et sacré chez toutes les nations, vous sauverait la vie ; et cet inconnu, quel qu’il fût, que vous traîniez à la mort, s’est dit citoyen romain ; et ce titre qu’il invoquait n’a pu lui obtenir d’un préteur, sinon la vie, au moins le délai de sa mort !

LXV. Des hommes sans fortune et sans nom traversent les mers ; ils abordent à des rivages qu’ils n’avaient jamais vus, où souvent ils ne connaissent personne, où souvent personne ne les connaît. Cependant, pleins de confiance dans le titre de citoyen, ils croient être en sûreté, non pas seulement devant nos magistrats qui sont contenus par la crainte des lois et de l’opinion