Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/397

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Voici le fait que ne nient pas les adversaires : Cécina est venu au temps et au jour marqués pour être dépouillé suivant les formalités d’usage ; il a été éloigné et repoussé par la violence, par des hommes rassemblés et armés. Ce fait étant certain, moi qui ne connais pas les formes judiciaires, qui ignore les affaires et les procès, je crois avoir action ; je crois, Ébutius, en vertu de l’ordonnance du prêteur, pouvoir obtenir mon droit et me venger de votre injure. Je suppose que je me trompe en cela, et qu’en vertu de l’ordonnance, je ne saurais procurer à Cécina ce qu’il désire. Instruisez-moi, je ne veux pas ici d’autre maître que vous. Je vous demande si, d’après le fait, j’ai action ou non. Il ne faut pas rassembler des hommes parce qu’on dispute une succession ; il ne convient pas d’armer une multitude pour conserver son droit. Rien n’est plus contraire au bon droit que la violence ; rien n’est plus ennemi de la justice que des hommes attroupés les armes à la main.

XII. Dans cet état de cause, et le fait étant de nature à fixer surtout l’attention des magistrats, je vous le demande encore, Ébutius, d’après le fait, ai-je action ou non ? Vous refuserez d’en convenir. Je suis bien aise d’entendre dire à celui qui, au milieu de la paix, lorsque tout est tranquille, a formé une troupe, a rassemblé, armé, disposé une multitude, qui, par la terreur des armes et par la crainte de la mort, a éloigné, repoussé, mis en fuite des hommes désarmés, des hommes venus au jour marqué pour tenter les voies de droit ; je suis bien aise de lui entendre dire : J’ai fait tout ce que vous me reprochez ; ma démarche était indiscrète, téméraire, pouvait avoir des suites fâcheuses : eh bien ! je l’ai faite impunément ; car vous ne pouvez avoir action contre moi, en vertu du droit civil et du droit prétorien. Écouterez-vous, Romains, un pareil discours ? souffrirez-vous qu’on vous le répète sans cesse ? Nos ancêtres, pleins de sagesse et de prévoyance ont établi des lois pour régler les plus petites choses comme les plus importantes ; ils sont entrés dans les moindres détails, et ils auraient omis ce seul cas, un cas aussi grave ! Ils m’auraient donné action contre celui qui m’eût contraint, par la force des armes, de sortir de ma maison, et ils ne me l’auraient pas accordée contre celui qui m’eût empêché d’y entrer ! Je n’examine pas encore le fond de la cause de Cécina ; je ne parle pas encore de notre droit de propriété : j’attaque seulement, Pison, votre moyen de défense. Si Cécina, dites-vous, étant sur la terre qu’il réclame, en avait été chassé, alors il eût fallu le rétablir en vertu de l’ordonnance du préteur ; mais il n’a pu être chassé d’un lieu où il n’était pas : Cécina n’a donc rien gagné par l’ordonnance. Eh bien ! je vous le demande à mon tour, si aujourd’hui, lorsque vous retournerez chez vous, des hommes rassemblés et armés vous éloignaient, non seulement de la porte et de l’intérieur, mais des premières avenues et du parvis de votre maison, je vous le demande, quelle action auriez-vous ? L. Calpurnius, mon ami, vous avertit de dire, ce qu’il a déjà dit lui-même, que vous auriez une action pour outrage. Mais pour l’article de la propriété, mais pour être rétabli dans un bien dont on a été dépossédé injustement, mais pour une affaire de droit civil, qu’est-ce que fait une action pour outrage, et l’obtiendrez-vous, cette action ? Je vous accorde-