Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/414

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par cela même il conserve tous les droits de citoyen dont il jouissait auparavant. Si un père a vendu le fils que la naissance avait soumis à son pouvoir, il renonce au pouvoir qu’il avait sur ce fils. Lorsque le peuple vend un citoyen qui a fui pour se soustraire au service militaire, il ne lui ôte pas la liberté ; il juge qu’il n’est pas libre, puisqu’il n’a pas voulu s’exposer au péril pour conserver sa liberté. Et lorsqu’il vend celui qui n’a pas fait inscrire son nom sur le rôle des censeurs, il juge que l’inscription sur ce rôle affranchissant son esclave légitime, tout homme libre qui n’a point déclaré son nom aux censeurs, a renoncé de lui-même à la dignité d’homme libre. Que si, dans ces diverses occasions, on peut très bien ôter à quelqu’un la liberté ou le droit de cité, ceux qui rapportent ces exemples n’aperçoivent point les vraies intentions de nos ancêtres, qui ont voulu qu’on pût ôter l’un et l’autre avec ces formes, mais n’ont pas voulu qu’on pût le faire sans ces mêmes formes. Puisqu’ils citent ces autorités prises dans le droit civil, je voudrais qu’ils montrassent à qui, en vertu des lois, on a fait perdre la liberté ou le droit de cité romaine. Pour ce qui est de l’exil, on voit clairement quelle est sa nature. L’exil n’est pas un supplice, mais un port et un asile pour se dérober au supplice car ceux qui veulent se soustraire à une punition ou à une disgrâce, changent de pays, de lieu et de demeure. Aussi ne trouvera-t-on pas que les lois, chez nous, comme chez les autres peuples, punissent quelque crime de l’exil. Mais lorsque des citoyens veulent éviter les peines infligées par la loi, la prison, la mort, l’ignominie, ils se retirent en exil comme dans un refuge : s’ils voulaient subir dans leur ville la rigueur des lois ils ne perdraient le droit de cité qu’en perdant la vie ; ne le voulant point, on ne leur ôte pas le droit de cité, ce sont eux qui y renoncent et qui l’abandonnent. Comme, d’après nos lois, on ne saurait appartenir à deux villes, un citoyen perd enfin le droit de cité, lorsque, en s’enfuyant, il est reçu dans le lieu de son exil, c’est-à-dire, dans une autre ville.

XXXV. J’ai supprimé beaucoup de choses sur cet article de notre jurisprudence ; toutefois, Romains, je ne l’ignore pas, j’en ai dit plus que n’en demande l’affaire soumise à votre décision. Je l’ai fait, non que je jugeasse cette discussion nécessaire à la cause, mais afin de faire voir à tout le monde que le droit de cité n’a été enlevé et ne peut être enlevé à personne. J’ai voulu l’apprendre à ceux auxquels Sylla a voulu faire cette injustice, comme à tous les autres citoyens anciens et nouveaux. On ne saurait en effet montrer pourquoi, si on peut faire perdre le droit de cité à quelque nouveau citoyen, on ne pourrait pas en dépouiller tous les patriciens et les plus anciens citoyens. Mais que cette discussion soit étrangère à la cause, on peut s’en convaincre, d’abord parce que ce n’est pas là-dessus que vous avez à prononcer ; ensuite parce que Sylla lui-même, en ôtant à plusieurs le droit de cité romaine, ne leur a point enlevé le droit d’aliéner et d’hériter. Il veut qu’ils soient traités comme les habitants de Rimini : or, qui ne sait pas que ceux-ci jouissaient des mêmes droits que les douze colonies, et qu’ils pouvaient hériter des citoyens romains ? Mais quand même Cécina aurait pu perdre par la loi son droit de cité, tous les gens honnêtes ne devraient-ils pas chercher les moyens de corriger l’injustice et de rétablir dans ce droit