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PLAIDOYER POUR M’. FONTÉIUS.

DISCOURS DOUZIÈME.


ARGUMENT.

Manius Fontéius avait, en qualité de préteur, gouverné pendant trois ans (676-679) la Gaule Transalpine ou Province Narbonnaise. Plusieurs années après, M. Plétorius, sur la plainte des Gantois, qui avaient envoyé à Rome une députAtion dont le chef était Induciomare, accusa Fontéius de concussion. Cicéron défendit l’accusé ; ou ne sait s’il fut absous.

Le plaidoyer de Cicéron est depuis longtemps incomplet. Il existe, après le § 8, une lacune assez considérable, indiquée dans le plus ancien manuscrit de ce discours, qui se trouve au Vatican. Toutefois M. Niebuhr, s’appuyant d’un passage de Pline le Jeune (Epist. 1, 20), prétend qu’elle a toujours existé et que l’orateur l’a volontairement laissée quand il a écrit son plaidoyer.

Quant aux autres lacunes, les heureuses découvertes de quelques savants en ont déjà rempli une partie. M. J. V. Leclerc a publié le premier en France, dans sa belle édition de Cicéron, les fragments du plaidoyer pour Fontéius retrouvés par M. Niebuhr ; nous les donnons après lui, au commencement de ce discours. M. Niebuhr avait été guidé et soutenu dans ses patientes recherches par le succès qui avait suivi celles de son compatriote P. G. Bruns, en 1772.


Lacune considérable

I.… Qu’il le fallait. A-t-il payé comme ont fait tous les autres ? C’est ainsi, juges, que je défends M. Fontéius, et je soutiens qu’après la loi Valéria, depuis la questure de M. Fontéius jusqu’à celle de T. Crispinus, nul n’a payé autrement ; qu’il a suivi l’exemple de tous ses devanciers, et que tous ses successeurs ont suivi le sien. De quoi l’accuse-t-on ? que lui reproche-t-on ? L’accusateur blâme Fontéius de n’avoir pas fait entrer les quarts et les trois quarts de l’as dans des registres en parties doubles, tels que ceux dont il dit qu’Hirtuléius faisait usage ; mais je ne sais s’il se trompe ou s’il veut vous induire en erreur. En effet, je vous le demande, M. Plétorius, ne devenez-vous pas vous-même l’avocat de notre cause, s’il est prouvé que Fontéius, dans ce que vous lui reprochez, peut s’appuyer de l’exemple de celui que vous comblez d’éloges, d’Hirtuléius, et que le même Hirtuléius, dans ce que vous louez en lui, est fidèlement imité par Fontéius ? Vous blâmez le mode de payement ; les registres publics font foi que tel était le mode adopté par Hirtuléius. Vous louez ce dernier d’avoir établi l’usage des livres en parties doubles : Fontéius s’en est servi aussi, et pour le même genre de payement. Je ne veux pas que vous l’ignoriez, ni que vous pensiez que ces registres appartiennent à un autre ordre de dettes arriérées : c’est pour le même motif, pour les mêmes opérations, qu’il les a adoptés. C’est avec les publicains, à qui l’on avait affermé la province d’Afrique, les droits d’entrée de la ville d’Aquilée…

II…. On ne trouvera personne, juges, personne qui prétende avoir donné un seul sesterce à M. Fontéius pendant sa questure, ou que Fontéius a détourné quelque chose de l’argent qu’il recevait pour le trésor public ; on ne trouvera dans ses registres aucun signe d’un semblable vol, aucune trace d’un nombre altéré ou diminué. Or, tous ceux que nous voyons accusés, poursuivis pour les délits de ce genre ont d’abord à lutter contre une foule de témoins ; car il est difficile que celui qui a donné de l’argent à un magistrat ne soit