Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/435

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châtiaient la plus légère atteinte à la liberté des citoyens romains, et vous souffrez qu’on leur ôte la vie ? ils vengeaient le droit des gens violé par une simple parole, et lorsqu’un ambassadeur a péri dans les tortures, vous ne le vengez pas ? Pensez y, Romains : si c’est un titre d’honneur pour vos ancêtres de vous avoir transmis un si glorieux empire, craignez la honte de ne savoir conserver ni défendre ce noble héritage. Que dirai-je du danger qui environne vos alliés et de leur situation désespérée ? Ariobarzane, un roi, un allié et un ami du peuple romain, est chassé de son royaume ; l’Asie est menacée par deux rois, non-seulement les implacables ennemis de l’empire, mais aussi des peuples honorés de votre alliance et de votre amitié ; toutes les villes libres, l’Asie entière et la Grèce, sont forcées, dans cette terrible crise, de réclamer vos secours ; mais craignant les suites d’une, démarche si hardie, elles n’osent pas demander le général qu’elles désirent, maintenant surtout que vous leur en avez envoyé un autre. Comme vous, elles sentent parfaitement que ce général est le seul homme en qui sont réunies toutes les grandes qualités ; elles savent qu’il est près d’elles, et leur regret d’en être privé n’en est que plus douloureux ; elles comprennent comment son arrivée, son nom seul, bien qu’il ne soit venu que pour une guerre de pirates, a suffi pour arrêter l’ennemi et ralentir son impétuosité. Ces peuples donc, ne pouvant parler avec liberté, vous prient silencieusement de ne pas les juger plus indignes que vos autres alliés d’obtenir de vous un tel protecteur. Et ils ont d’autant plus de droits à cette faveur, que nous envoyons pour gouverner ces provinces des hommes capables sans doute d’en éloigner les attaques de l’ennemi, mais dont l’entrée dans les villes de nos alliés diffère à peine d’une irruption dans une place prise d’assaut. Auparavant, sa renommée seule leur dénonçait cet homme ; aujourd’hui qu’ils voient en lui et par eux-mêmes tant de modération, de douceur et d’humanité, ceux-là leur semblent les peuples les plus heureux qui le possèdent le plus longtemps.

VI. Si donc, pour leurs alliés seuls, et sans avoir été personnellement atteints d’aucune injure, vos ancêtres ont fait la guerre à Antiochus, à Philippe, aux Étoliens, aux Carthaginois, avec quelle ardeur ne devez-vous pas, insultés vous-mêmes et provoqués, défendre à la fois l’existence de vos alliés et la dignité de votre empire, surtout lorsqu’il s’agit de vos plus beaux revenus ? Car à peine pouvons-nous, avec les tributs que nous retirons des autres provinces, leur assurer protection, tandis que l’Asie, si riche et si fertile, l’emporte incontestablement sur tous les pays du monde par la fécondité de son sol, la variété de ses produits, l’étendue de ses pâturages, et le nombre immense de ses exportations. Vous devez donc, Romains, si vous voulez faire face aux dépenses de la guerre et maintenir la dignité de la paix, mettre cette province en état de n’éprouver, et même de ne craindre aucun malheur. En toute autre chose, la perte n’est sensible que quand le mal est venu ; mais en matière de tributs, la seule appréhension du mal est une calamité. En effet, quand l’ennemi est proche, et avant même qu’il ait exercé aucune hostilité, les troupeaux sont délaissés, l’agriculture est abandonnée et le commerce maritime suspendu. Ainsi, plus de droits à percevoir ni sur les ports, ni sur les blés, ni sur les pâturages ; ainsi une simple alarme, la crainte seule d’une guerre font perdre souvent le produit de toute une année. Quelles sont, croyez-vous, les dispositions et de ceux qui nous payent l’impôt, et de ceux qui en exigent et perçoivent le recouvrement, lorsque. deux rois, avec des forces considérables, sont à leurs portes ; lorsqu’une seule excursion de la cavalerie peut, en quelques heures, enlever les re-