Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/443

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ment le général dont nous parlons. Or, que dans la conduite d’une guerre, le jugement de vos ennemis et de vos alliés sur vos généraux soit d’une extrême importance, qui de nous pourrait l’ignorer, instruits comme nous le sommes, que, dans les conjonctures difficiles, l’opinion et la renommée, autant que la raison elle-même, portent les hommes ou au mépris, ou à la crainte, ou aux haines, ou aux affections ? Eh bien ! quel nom fut jamais plus célèbre dans l’univers ? quels actes à comparer aux actes de Pompée ? Sur qui, pour rappeler ses plus beaux titres de gloire, avez-vous porté de plus nombreux et de plus honorables suffrages ? Rappelez-vous le jour où le peuple romain tout entier, remplissant le forum et les temples qui avoisinent cette enceinte, proclama Pompée seul général dans une guerre commune à toutes les nations ; quel pays assez désert où la renommée de ce jour solennel n’ait pas pénétré ? Ainsi, sans en dire davantage, et sans invoquer des exemples étrangers pour montrer ce que peut, dans la guerre, l’autorité d’un nom célèbre, empruntons de Pompée lui-même des exemples de toutes les vertus les plus éminentes. Le jour où vous le nommâtes chef de l’expédition contre les pirates, le prix du blé, qui était fort rare et fort cher, tomba tout à coup si bas, par suite des espérances que fit naître la seule nomination de cet homme, qu’à peine la récolte la plus abondante, au milieu d’une paix continue, aurait pu produire un si magnifique résultat. Déjà nos derniers malheurs dans le Pont, cette bataille désastreuse que je vous ai rappelée malgré moi, avaient épouvanté nos alliés ; l’audace de l’ennemi croissait avec ses forces ; la province n’était plus en état de se défendre, et vous perdiez l’Asie, Romains, si, par un bienfait du ciel, la fortune de Rome n’eût conduit Pompée dans ce pays, au moment même du danger. Il paraît, et soudain Mithridate exalté par des succès inattendus, s’arrête, et l’armée innombrable de Tigrane menaçant l’Asie n’ose aller plus avant. Et vous douterez encore de ce que fera par sa valeur celui qui a tant fait par sa réputation ? vous douterez qu’il puisse, revêtu du commandement, et à la tête d’une armée, sauver nos alliés et nos revenus, lui dont le nom seul a déjà suffi pour les protéger ?

XVI. Mais poursuivons : quels plus éclatants témoignages de la réputation de Pompée chez les ennemis de Rome, que la soumission universelle de ces peuples à son autorité, consommée en si peu de temps, en des lieux si éloignés et si différents ; que l’empressement de ces ambassadeurs Crétois, venant le chercher pour ainsi dire, jusqu’aux extrémités de la terre, malgré la présence dans leur île d’un général romain et de notre armée, et déclarant qu’ils voulaient lui livrer toutes les villes de la Crète ? Que dis-je ? ce même Mithridate ne lui envoya t-il pas jusqu’en Espagne, un ambassadeur, que Pompée considéra toujours comme tel, en dépit de certaines gens qui se plaisaient à le regarder comme un espion, affligés qu’ils étaient de la préférence dont Pompée avait été l’objet ? Vous pouvez donc, Romains, juger maintenant combien aura de valeur aux yeux des rois et des nations étrangères ce nom illustre, relevé d’ailleurs partant d’actions glorieuses et par l’immense honneur de vos suffrages.

Il me reste à parler du bonheur de Pompée, de cet avantage dont nul n’a le droit de se prévaloir, mais que nous pouvons reconnaître et célébrer dans les autres : je n’en parlerai qu’avec réserve et en peu de mots, comme il convient à l’homme, lorsqu’il parle de la puissance des