Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/482

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haut ! Et cette haine, il en était bien digne. Tâchez en effet de vous rappeler, non seulement ses mœurs et son arrogance, mais encore son air et son costume, et cette pourpre qui, brillant sur sa toge, lui descendait jusqu’aux pieds. Ne pouvant dévorer l’affront d’avoir perdu une cause en justice, il évoque l’affaire du barreau à la tribune. Souvent nous nous plaignons que les hommes nouveaux ne trouvent pas dans cette ville assez d’encouragements. Je soutiens, moi, qu’en aucun lieu du monde ils n’en trouvent davantage. Un citoyen d’une naissance obscure semble-t-il, par son mérite, capable de soutenir l’éclat d’un rang illustre, son élévation n’a d’autres bornes que son talent et ses vertus. Un autre n’a pour tout mérite que l’obscurité de sa naissance, et souvent il va plus loin que si, avec les mêmes vices, il était né au sein de la grandeur. Supposez que Quintius, pour ne pas citer d’autre exemple, eût été noble, qui eût pu le souffrir avec son orgueil et ses emportements ? Né dans les derniers rangs, on l’a souffert. On a pensé même que, s’il avait quelques bonnes qualités, il fallait lui en tenir compte. Quant à sa hauteur et à son arrogance, on a cru que, dans un homme de cette condition, il était plus sage d’en rire que de s’en alarmer.

XLI. Je reviens à mon sujet. Je vous le demande, Attius, à vous qui faites tant valoir ces jugements : en acquittant Falcula, qu’a-t-on prononcé ? Sans doute qu’il avait les mains pures quand il fut juge d’Oppianicus. Et cependant il l’avait condamné ; et cependant il n’avait pas entendu toute la cause ; et cependant Quintius l’avait accablé, dans toutes ses harangues, des plus violentes invectives. Donc tous ces arrêts dictés par Quintius furent l’œuvre de l’iniquité, du mensonge, des passions populaires, du désordre et de la sédition. — Soit, direz-vous ; Falcula pouvait être innocent. —— Donc quelqu’un a voté contre Oppianicus, sans être vendu ; donc Junius n’a pas rempli le tribunal de juges payés pour le condamner ; donc quelqu’un a pu ne pas siéger dès le commencement des débats, et donner contre Oppianicus un suffrage désintéressé. Mais si Falcula fut innocent, je vous le demande, qui donc fut coupable ? si Falcula eut les mains pures, qui donc les eut souillées ? Je nie qu’on ait adressé à aucun des juges un seul reproche qui n’ait été fait à Falcula ; je nie qu’il y eût rien dans sa cause qui ne fût applicable à celle des autres. Il faut de deux choses l’une, ou que vous blâmiez ce jugement, vous qui paraissiez fonder votre accusation sur l’autorité des jugements ; ou, si vous convenez qu’il est juste, il faut que vous conveniez en même temps que celui d’Oppianicus fut désintéressé.

Au reste, une preuve assez manifeste de cette vérité, c’est que de tant de juges, une fois que Falcula fut absous, aucun ne fut plus poursuivi. Que me parlez-vous en effet de gens condamnés pour crime de brigue, aux termes d’une autre loi, sur des faits positifs, d’après la déposition de nombreux témoins ? D’abord c’est de concussion et non de brigue qu’il aurait fallu les accuser ; car si le reproche de vénalité leur a nui si fort dans un procès tout à fait étranger à cette question, certes, poursuivis pour ce crime même, il les eût bien plus sûrement accablés. Ensuite, si c’était une fatalité attachée à cette prétendue corruption, que tout juge d’Oppianicus, à quelque titre qu’il fût accusé, serait condamné comme