Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/501

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moire où se trouvait de l’argent monnayé et une certaine quantité d’or. Straton, qui le savait, tue, la nuit, pendant leur sommeil, deux de ses compagnons d’esclavage, et les jette dans un vivier. Débarrassé de ces témoins, il scie le fond de l’armoire, emporte l’argent avec cinq livres d’or, n’ayant pour complice qu’un autre esclave encore enfant. Le lendemain, quand on s’aperçut du vol, tous les soupçons se portèrent sur les deux hommes qui avaient disparu. En remarquant la manière dont le fond de l’armoire avait été scié, on se demandait de quel instrument le coupable avait pu se servir. Un des amis de Sassia se ressouvint alors que, peu de temps auparavant, il avait vu vendre dans une enchère, entre autres menus objets, une petite scie recourbée, tournante, dentelée de tous côtés, avec laquelle on pourrait bien avoir pratiqué cette ouverture circulaire. On s’informe aux receveurs des ventes ; on sait d’eux que la petite scie a été livrée à Straton. À ce premier indice qui accusait si ouvertement cet esclave, l’enfant, témoin de son crime, s’intimide. Il révèle tout à sa maîtresse. Les deux hommes sont trouvés dans le vivier ; Straton est mis aux fers, et on retrouve même dans sa boutique l’argent volé, mais seulement en partie. On commence une enquête sur ce vol ; car de quel autre fait pouvait-on informer ? Une armoire forcée, de l’argent enlevé, dont on ne retrouve qu’une partie, des hommes assassinés, voilà les faits : irez-vous dire que l’enquête a pour objet la mort d’Oppianicus ? à qui le ferez-vous croire ? pouvez-vous avancer quelque chose de moins vraisemblable ? Enfin, pour me borner à cette simple réflexion, était-ce trois ans après la mort de cet homme, qu’on en recherchait les prétendus auteurs ? Cependant, sans autre motif que la vieille haine dont elle est dévorée, Sassia redemande encore le malheureux Nicostrate pour le mettre à la torture. Oppianicus commence par refuser ; mais sa belle-mère l’ayant menacé de reprendre sa fille et de changer son testament, il cède enfin ; et livrant à la plus cruelle des femmes le plus fidèle des serviteurs, il l’envoie bien moins à la question qu’au plus affreux supplice.

LXV. C’est donc après trois ans qu’on reprend une information si longtemps abandonnée. Et quels esclaves vont en être l’objet ? Sans doute de nouveaux faits ont été découverts ; d’autres hommes ont éveillé les soupçons. Non ; ce sont encore Straton et Nicostrate. Mais ces malheureux n’avaient-ils pas, à Rome, subi la question ? Eh quoi ! cette femme, dont le délire, mais le délire du crime, égare la raison, a déjà fait à Rome des informations que T. Annius, L. Rutilius, P. Saturius, et d’autres graves personnages ont jugées suffisantes ; et elle vient après trois ans, pour les mêmes faits, torturer les mêmes esclaves et informer contre son fils, sans appeler pour témoin, je ne dirai pas aucun homme (vous en concluriez que le laboureur de Salerne n’était pas avec elle), mais sans appeler aucun homme de bien ! Allez-vous dire, car je devine tout ce qu’on pourrait alléguer avant même qu’on ait parlé, allez-vous dire qu’interrogé sur le vol, Straton a fait des aveux sur l’empoisonnement ? Souvent, juges, la vérité sort des ténèbres dont l’imposture la tenait enveloppée, et la voix de l’innocence, étouf-