Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/525

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non des lois consulaires, si la distinction vous importe, mais des lois tribunitiennes, qui vous sont, comme elles le furent à vos ancêtres, toujours chères et précieuses ; ces lois sont : la loi Licinia, et la loi Ebutia. Or, l’une et l’autre interdisent l’exercice de toute charge, de tout emploi, non seulement à celui qui a fait établir cette charge ou cet emploi, mais même à ses collègues, à ses parents, à ses alliés. Si donc, Rullus, vous avez à cœur les intérêts du peuple, éloignez de vous le soupçon d’intérêt personnel. Prouvez que vous ne cherchez que l’avantage et l’utilité du peuple ; laissez aux autres le pouvoir, et vous contentez de l’honneur du bienfait. Mais tout ceci est à peine digne d’un peuple libre, digne de la grandeur et de la noblesse de votre caractère.

IX. Qui a porté la loi ? Rullus. Qui a privé des suffrages la plus grande partie du peuple ? Rullus. Qui a présidé aux comices ? Rullus. Qui a convoqué les tribus qu’il voulait, les ayant tirées au sort sans avoir été surveillé ? Rullus. Qui a nommé les décemvirs qu’il a voulu ? le même Rullus. Qui a-t-il nommé le premier ? Encore Rullus. Certes, il eut à peine, je pense, fait goûter à ses propres esclaves un pareil procédé, bien loin de le faire approuver par vous, les maîtres de toutes les nations. Les meilleures lois seront donc, sans que personne s’en doute, supprimées par cette loi unique ? En vertu de cette loi, le même Rullus demandera qu’on le charge de l’exécution ; et après avoir dépouillé la plus grande partie du peuple de son droit de suffrage, il tiendra les comices ; il nommera ceux qu’il voudra ; il se nommera lui-même, et ne répudiera pas sans doute pour collègues ceux qui souscrivent à sa loi ! Or ceux-ci lui ont déjà laissé l’honneur si envié de combattre pour elle au premier rang, et de l’appeler de son nom ; mais ils se réservent toutefois le droit de partage égal avec lui, sous leur garantie réciproque, des bénéfices qu’ils en espèrent. Admirez donc les belles combinaisons de Rullus, si toutefois vous croyez Rullus capable de les avoir imaginées, ou qu’elles aient pu lui venir à l’esprit. Les machinateurs de ce complot ont prévu que, si vous étiez libres de choisir dans tout le peuple, là où il s’agirait d’une affaire qui demanderait du zèle, de l’intégrité, du courage, un nom respecté, vous vous empresseriez tout d’abord de nommer Pompée. En effet, le seul homme que vous aviez choisi entre tous pour vaincre toutes les nations et sur terre et sur mer, devait seul aussi, lorsqu’il allait être question de créer des décemvirs, soit que ces fonctions fussent un poste de confiance ou un titre d’honneur, leur paraître manifestement le plus digne, à tous égards, de cette confiance et de cet honneur. Aussi la loi n’exclut-elle du décemvirat ni les jeunes gens, ni ceux qui sont liés par quelque empêchement légal, par leurs charges, leurs magistratures, par des missions ou par toutes autres affaires ; elle n’exclut pas davantage les accusés. Mais Pompée, elle l’exclut, ne voulant pas que, sans parler des autres, il puisse être décemvir avec Rullus. Elle exige la présence du postulant (ce que n’a jamais exigé aucune loi, pas même pour nos magistratures annuelles), de peur que, la loi étant portée, vous ne donnassiez à Rullus, en choisissant Pompée, un collègue qui observât et réprimât ses entreprises.

X. Ici, puisque je vous vois émus au nom d’un