Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/53

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est d’offrir leurs esclaves pour qu’ils soient interrogés. Cette ressource est interdite à Sextus. Vous qui l’accusez, vous avez tous ses esclaves en votre pouvoir : il en possédait un grand nombre ; il ne lui en reste pas un seul pour l’aider dans les besoins de la vie. Scipion, Métellus, j’invoque ici votre témoignage. Plusieurs fois par votre entremise, Sextus a demandé aux adversaires deux esclaves de son père afin qu’ils fussent interrogés. Vous souvenez-vous, Titus, que vous les avez refusés ? Ces esclaves, où sont-ils ? à la suite de Chrysogonus. Il a des égards pour eux ; il les comble de bontés. Je demande de nouveau qu’ils soient interrogés ; Sextus vous en conjure, il vous en supplie : pourquoi les refusez-vous ?

Hésitez encore, si vous le pouvez, citoyens, à nommer l’assassin ; balancez entre l’homme que la mort de Roscius livre à l’indigence et à des périls de toute espèce, à qui l’on ne permet pas même d’informer sur la mort de son père, et ceux qui éludent les informations, qui possèdent les biens, qui vivent dans le meurtre et par le meurtre. Cette cause est un tissu d’horreurs et d’indignités ; mais qu’un fils n’ait pas la liberté d’interroger les esclaves de son père, sur la mort de son père ; que ses esclaves ne soient pas laissés en son pouvoir jusqu’à ce qu’ils aient été interrogés sur le meurtre de son père, c’est le comble de l’injustice et de la cruauté. Je traiterai bientôt cette partie de ma cause ; car tout ceci concerne les Roscius, et j’ai promis de parler de leur audace, après que j’aurai détruit les imputations de l’accusateur.

XXIX. Je reviens à vous, Érucius. Il faut que vous conveniez avec moi que Sextus, s’il est coupable, a lui-même commis le crime, ce que vous niez, ou qu’il l’a fait commettre par des hommes libres ou par des esclaves. Vous ne pouvez pas montrer comment il a pu se concerter avec des hommes libres ; par quel moyen, en quel lieu, par quels agents, par quelles promesses ou par quel salaire il a pu les séduire. Et moi, je prouve qu’il n’a rien fait, qu’il n’a rien pu faire de tout cela, parce qu’il n’est pas venu à Rome depuis plusieurs années, et qu’il n’est jamais sorti de ses biens sans une cause légitime. Repoussé dans toutes vos allégations, il ne vous restait plus qu’à citer les esclaves : c’était un dernier port qui semblait vous être offert. Vous n’y trouvez qu’un écueil où se brise votre accusation, et qui renvoie tous les soupçons contre vous-même.

Quel est donc enfin, dans cette indigence de preuves, le dernier recours de l’accusateur ? C’était un temps, dit-il, où l’on tuait impunément ; ainsi, vu le nombre des sicaires, vous n’avez pas eu de peine à faire commettre ce meurtre. À merveille, Érucius. Il me semble que, payé pour une seule chose, vous voulez en faire deux à la fois : nous immoler par le glaive des lois, et accuser en même temps ceux qui vous salarient. Que dites-vous ? On tuait partout. Eh ! qui donc ordonnait, qui donc exécutait les meurtres ? Oubliez-vous que ceux qui vous emploient sont des acquéreurs ? Et ne savons-nous pas qu’alors les acquéreurs et les égorgeurs étaient les mêmes ? En un mot, ceux qui, jour et nuit, couraient armés dans toutes les rues, ceux qui ne sortaient pas de