Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/530

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cher les décemvirs de vendre les terres, les cités, les arsenaux de marine, les ports, enfin la Bithynie entière.

XVI. Et Mitylène, qui est bien à vous par les lois de la guerre et par les droits de la victoire ; la ville d’abord, célèbre par la beauté du ciel, par sa position, par l’ordonnance et la splendeur de ses édifices ; puis le territoire qui réunit à la fois la fertilité et l’agrément : tout cela est renfermé dans le même article de la loi de Rullus. Et Alexandrie, et l’Égypte, comme on a su aussi les y envelopper avec art, et comme elles passent inaperçues, livrées tout entières aux décemvirs ! Qui de vous ignore ce qu’on dit publiquement, à savoir que le royaume d’Égypte appartient au peuple romain en vertu du testament du roi Alexandre ? Et pourtant, moi, consul du peuple romain, non seulement je ne décide rien sur ce fait, mais je ne veux pas même émettre mon sentiment ; car cette affaire me semble également grave à juger et à discuter. J’en vois qui soutiennent la réalité du testament ; je sais que, par un décret du sénat, il y a eu prise de possession de l’héritage, quand, après la mort de Ptolémée, nous avons envoyé des députés à Tyr, chargés de retirer l’argent que ce prince y avait déposé pour nous ; je me rappelle que L. Philippus a plus d’une fois attesté ces faits dans le sénat, et tout le monde convient à peu près que le prince qui règne aujourd’hui n’a ni la naissance ni les sentiments d’un roi. Mais ailleurs on dit que ce testament est une fable ; que le peuple romain ne doit point paraître si avide de tous les royaumes ; que tous nos citoyens, attirés par la fertilité du sol, par l’abondance de toutes choses, émigreraient en foule dans ces contrées. Cette grande question sera-t-elle tranchée par Rullus et par ses collègues ? Et comment le sera-t-elle ? Toute décision à cet égard est d’une haute importance, et vous ne devez ni souffrir, ni permettre que Rullus en prenne aucune. Voudra-t-il être populaire ? il adjugera le royaume au peuple romain. Il vendra donc Alexandrie en vertu de sa loi, il vendra l’Égypte ; il sera donc juge, arbitre, maître de la ville la plus riche et des plus belles campagnes, roi enfin du royaume le plus opulent ? Mais il n’aura pas cette ambition, il ne sera pas si avide. Eh bien, il décidera qu’Alexandrie est au roi et non au peuple romain.

XVII. D’abord, dix hommes prononceront-ils sur la validité d’un héritage du peuple romain, quand vous voulez qu’il y en ait cent pour prononcer sur les héritages des particuliers ? ensuite, qui plaidera la cause du peuple ? Où le procès sera-t-il débattu ? Quels sont les décemvirs dont nous puissions répondre qu’ils adjugeront le royaume d’Alexandrie à Ptolémée ? Que s’ils voulaient s’emparer d’Alexandrie, pourquoi ne pas user des mêmes moyens que sous le consulat de L. Cotta et de L. Torquatus ? Pourquoi aussi ne pas réclamer ouvertement ce pays en vertu d’un sénatus-consulte ? Pourquoi, n’ayant pu entrer dans Alexandrie directement et à pleines voiles, s’imaginer qu’on y parviendra par des voies obscures et ténébreuses ? À toutes ces objections, ajoutez celle-ci. Ceux de nos concitoyens qui obtiennent des légations libres, avec une autorité fort mince, et qui voyagent ainsi pour leurs intérêts privés, les nations étrangères les souffrent à peine. Car le simple titre du commandement est