Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/545

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à votre juridiction., à votre pouvoir, les villes, les nations, les provinces, les peuples libres, les rois, toute la terre enfin ; d’épuiser d’abord le trésor public, d’accaparer les produits de nos domaines, de faire une moisson de tout l’or des rois, des nations et des généraux ; et d’être ensuite les arbitres souverains de la fortune de tous les particuliers ; d’acheter à ceux qui les tiennent de Sylla et pour les occuper, vous et vos amis, les terres dont la possession est odieuse, ou celles qui sont désertes et malsaines, et de les compter au peuple romain le prix que vous voudrez ; d’introduire vos nouveaux colons dans toutes les villes municipales et dans les anciennes colonies de l’Italie ; de fonder vos propres colonies, selon votre bon plaisir, dans tous les lieux et en autant de lieux qu’il vous plaira ; d’investir la république de vos soldats, de vos villes, de vos garnisons, et de la tenir opprimée ; de proscrire, si vous le pouvez, de priver tout au moins de la présence du peuple, ce Pompée dont le bras tutélaire a protégé si souvent le peuple romain contre ses ennemis les plus acharnés, et contre les mauvais citoyens ; vous saisir et vous emparer de tout ce qui peut être acheté avec l’or et l’argent, arraché par surprise aux suffrages du peuple, ou enlevé de force et avec violence ; de courir cependant à travers les nations, à travers les royaumes, maîtres d’une autorité absolue, d’une juridiction universelle et d’un argent immense ; de venir, dans le camp de Pompée, vendre ce camp même, s’il vous en prenait envie ; de solliciter en même temps les autres magistratures, sans respect pour les lois, sans crainte d’aucun tribunal, sans redouter aucun péril ; d’empêcher personne de vous traduire devant le peuple romain, personne de vous accuser, le sénat de vous contraindre, le consul de vous réprimer, le tribun de vous modérer.

Que votre folie, que votre cupidité vous aient inspiré tant d’outrecuidance, je ne m’en étonne pas ; mais que vous ayez cru réussir sous mon consulat, c’est ce dont je m’étonne. Car si c’est un devoir rigoureux pour tous les consuls de veiller avec soin au salut de la république, ce devoir est sacré pour ceux qui ne sont pas désignés consuls dans le berceau, mais élus dans le champ de Mars. Nul de mes ancêtres n’a répondu de moi au peuple ; c’est en moi, Romains, que vous avez placé votre confiance ; c’est moi qui suis chargé de la dette, c’est de moi seul que vous devez la réclamer. Comme je n’ai fait intervenir, en sollicitant vos suffrages, la recommandation d’aucun des auteurs de ma race, je n’aurai pas non plus, si j’ai le malheur de faillir, une longue suite d’images qui pourraient demander grâce pour moi.

XXXVII. Pourvu donc que la vie me reste (et je la défendrai, si je le puis, contre les attentats de ces hommes pervers et contre leurs embûches) je vous promets, Romains, dans toute la sincérité de mon âme, que vous avez confié la république non pas à un citoyen timide et mou, mais actif et vigilant. Suis-je un consul à redouter vos assemblées, à trembler en présence des tribuns du peuple, à m’émouvoir souvent et sans motif, à m’effrayer de la prison, si un tribun ordonnait de m’y conduire ? Moi qui, avant d’être armé de l’autorité de votre mandat, avant d’être honoré des insignes de votre