Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/547

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TROISIÈME DISCOURS.
SUR LA LOI AGRAIRE,
CONTRE RULLUS, DEVANT LE PEUPLE.

DISCOURS DIX-SEPTIÈME.


ARGUMENT.

Rullus n’avait point osé se présenter dans l'assemblée où Cicéron avait attaqué sa loi ; mais, profitant du moment où le consul était absent du forum, il l’attaqua comme étant de ceux qui soutenaient le parti de Sylla et les détenteurs des biens des proscrits. Cicéron lui répond dans ce troisième discours ; il fait voir que c’est au contraire Rullus qui protège les possesseurs des biens des proscrits, et surtout Valgius son beau-père. Il prouve l’intention du tribun, en expliquant le quarantième article de la loi dont il n’avait point parlé d’abord, dans la crainte, disait-il, de réveiller les anciennes divisions.

Cicéron, après avoir placé à la tête de ses œuvres consulaires, les deux discours précédents (Epist. ad. Att.. II, 1 ), parle de deux autres petite discours, appendices de la loi agraire. Il est donc, probable que Rullus calomnia de nouveau l’orateur dans l’esprit du peuple, et que Cicéron répliqua une dernière fois. Ce quatrième discours est perdu.


I. Les tribuns qui ont profité de mon absence pour m’accuser devant vous, Romains, eussent mieux fait d’attendre que je fusse présent ; par là, ils eussent témoigné de leur respect pour l’équité que vous montrez dans ce débat, pour les anciennes coutumes et pour les droits même de leur magistrature. Mais puisque jusqu’ici ils ont déserté le combat face à face, qu’ils paraissent maintenant, s’ils le veulent, dans cette assemblée où je parle, et acceptent du moins les défis que je leur porte encore et qu’ils ont une première fois refusés. J’en vois parmi vous, Romains, quelques-uns dont les murmures trahissent je ne sais quel mécontentement, et dont les visages ont perdu cet air de satisfaction qui m’avait accueilli dans l’assemblée précédente. Je vous prie donc, vous qui n’avez point cru mes ennemis, de me conserver toujours les mêmes sentiments ; et vous aussi qui me paraissez légèrement changés à mon égard, je vous prie de me rendre pour un moment votre bonne opinion, et d’y persister si je prouve la vérité de ce que je vais dire ; sinon, de l’abandonner aujourd’hui et d’y renoncer pour toujours. On a lassé votre attention, Romains, et assourdi vos oreilles, à force de vous répéter que je ne m’opposais à la loi agraire et à vos intérêts qu’afin de flatter les sept tyrans et les riches possesseurs des terres données par Sylla. Ceux d’entre vous qui l’ont cru, ont dû croire avant tout que la loi agraire dont on sollicite l’adoption, enlève à leurs possesseurs actuels, pour vous les distribuer, les terres données par Sylla, ou qu’enfin elle prive des particuliers d’une partie de leurs possessions, pour vous y établir. Si je montre que, loin d’ôter à personne une parcelle de terrain donné par Sylla, un article de la loi assure et confirme impudemment l’intégrité des propriétés de cette nature ; si je prouve, que Rullus, par sa loi, a si bien ménagé ces possessions odieuses, qu’il est facile de reconnaître dans l’auteur de cette loi, non le défenseur de vos intérêts, mais le gendre de Valgius ; douterez-vous, Romains, que Rullus, en me calomniant près de vous pendant mon absence, se soit moqué de votre