Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/556

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dieux, je vous prie et vous conjure, puisque la vie de l'innocent et infortuné Rabirius, et en même temps le salut de la république sont remis en vos mains et dépendent de vos suffrages, de montrer pour le sort de l'accusé la pitié qui vous est naturelle, et pour le salut de la république, votre sagesse ordinaire.

Maintenant, T. Labiénus, puisque vous me refusez le temps nécessaire à l'intérêt de ma cause, et qu'au lieu de l'espace présumé et déjà réglé pour ma défense, vous me resserrez dans les bornes étroites d'une demi-heure, nous subirons, ce qui est contre toute justice, et le dernier degré de l'infortune, les conditions imposées par l'accusateur et la loi dictée par un ennemi. Toutefois, en m'imposant ce terme d'une demi-heure, vous m'avez permis de remplir la tâche d'avocat, mais non les devoirs de consul; j'aurai presque assez de temps pour défendre Rabirius, mais trop peu pour vous faire entendre mes plaintes au nom de l'État. Peut-être croyez-vous que je dois répondre longuement au sujet de la profanation des lieux saints et des bois sacrés, dont vous accusez Rabirius, quand vous-même n'avez rien dit de cette accusation, sinon qu'elle avait été intentée par C. Macer à C. Rabirius? Et à cette occasion, je m'étonne que vous vous souveniez si bien des imputations de L. Macer, ennemi de C. Rabirius, tandis que vous oubliez un jugement garanti par l'équité des juges et la religion du serment.

III. Dois-je parler longuement de votre accusation de péculat et de l'incendie des archives, lorsque, dans une accusation du même genre, un parent de C. Rabirius a été absous dans un jugement solennel, aussi honorablement que le méritait sa vertu, et que Rabirius lui-même, non seulement n'a jamais été cité en justice pour de pareils motifs, mais n'a pas même été exposé par un seul mot, au moindre soupçon de cette nature? Répondrai-je davantage à l'inculpation relative à son neveu, que vous l'accusez d'avoir assassiné, pour que ses funérailles servissent de prétexte à différer un jugement? N'est-il pas en effet bien vraisemblable qu'il ait mieux aimé son beau-frère que son neveu, et qu'il l'ait aimé au point d'avoir la cruauté d'arracher la vie à ce dernier, pour procurer à l'autre un sursis de deux jours? Quant aux esclaves qui ne lui appartenaient pas, et qu'il a retenus, malgré la loi Fabia; quant aux citoyens battus de verges ou mis à mort, au mépris de la loi Porcia, est-il besoin d'ajouter quelque chose à ces témoignages d'intérêt si vifs qu'a manifestés pour lui l'Apulie entière, à cette bienveillance si honorable de tout son voisinage dans la Campanie, lorsque, pour écarter le danger qui le menace, nous avons vu accourir non seulement les particuliers, mais les contrées entières, pour ainsi dire, et que cet empressement s'est étendu plus loin que ne semblaient le demander les limites et les relations du voisinage? Dois-je aussi préparer un long discours pour le justifier d'un autre fait contenu dans le même acte d'accusation, qui provoque sa condamnation à l'amende, savoir, que Rabirius n'a respecté les lois de la chasteté, ni pour les autres, ni pour lui-même. Il y a plus. Je soupçonne que Labiénus n'a fixé cette demi-heure qu'afin de m'empêcher d'en dire davantage sur la chasteté. Vous voyez donc, Labiénus, que pour les charges qui demandent les soins d'un avocat, votre demi-heure est plus que suffisante;