Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/563

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nous nous préparerons à nous-mêmes un sort meilleur après la mort. Mais, si vous avez peu de souci de ceux que nous ne pouvons plus voir, Labiénus, croyez-vous qu’on ne doive aucun égard aux vivants ? Je soutiens que, de tous ceux qui avaient atteint la jeunesse, et qui se trouvaient à Rome dans la journée contre laquelle vous demandez vengeance aux juges, il n’y eut personne qui ne prit les armes et ne suivît les consuls. Ainsi tous ces hommes dont l’âge peut vous faire conjecturer la conduite en cette circonstance sont accusés par vous de crime capital dans la personne de C. Rabirius.

Mais c’est Rabirius qui a tué Saturninus. Plût aux dieux qu’il en fût ainsi ! Je ne demanderais point sa grâce, je réclamerais pour lui une récompense. En effet, si l’esclave de Q. Croton, Scéva, qui tua L. Saturninus, a reçu la liberté, de quel prix aurait-on dû récompenser un chevalier romain ? Et si C. Marius, pour avoir coupé les canaux qui portaient l’eau dans le temple, dans la demeure de Jupiter très bon et très grand ; pour avoir, sur la montagne du Capitole……….. des citoyens impies………..

Lacune.

……….. XII………… Le sénat, lorsque j’ai plaidé cette cause, ne s’est pas montré plus difficile ni plus rigoureux que vous ne l’avez été dans cette assemblée, où vous avez témoigné par vos gestes et par vos acclamations que vous rejetiez ce don de la terre entière et de ce même pays de Capoue, qu’on voulait vous partager. Je dirai, comme celui qui a provoqué ce jugement, et je le déclare, je le proteste, il ne reste pas un seul roi, une seule nation, un seul peuple que vous deviez craindre. Il n’y a point de péril extérieur, point de puissance étrangère, dont nous ayons à redouter quelque surprise. Si vous voulez que notre cité soit immortelle, que notre empire n’ait point de fin, que notre gloire vive à jamais, il faut nous tenir en garde contre nos passions, contre les hommes turbulents et avides de révolutions ; contre les maux intérieurs et les perfides complots, qui se trament dans nos propres foyers. Pour vous préserver de ces maux, vos ancêtres vous ont laissé un grand secours, la voix du consul qui appelle les citoyens au salut de la république. Secondez donc aujourd’hui cette autorité vigilante, Romains, et n’allez pas par votre jugement ravir à ma garde la république, et à la république le triple espoir de la liberté, de son salut et de sa grandeur.

Que ferais-je, si T. Labiénus avait immolé des citoyens, comme L. Saturninus ; s’il avait brisé la prison, s’il avait envahi le Capitole à la tête d’une troupe de satellites ? Je ferais ce que fit C. Marius, j’en instruirais le sénat, je vous appellerais à la défense de la république, je prendrais les armes avec vous pour résister à l’ennemi. Aujourd’hui, il n’y a pas le moindre soupçon de complot ; je ne vois point de glaive, point de violence, point de carnage : on n’assiége point le Capitole et la citadelle ; mais on intente une accusation funeste, on prépare un jugement cruel ; toute l’entreprise, conduite par un tribun du peuple, tend à la ruine de la république. J’ai cru devoir, non pas vous appeler aux armes, mais