Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/587

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
577
CONTRE L. CATILINA, LIV. III.

compagnés d’une suite nombreuse les députés des Allobroges, et avec eux Vulturcius. Ils sont assaillis en entrant sur le pont. Des deux côtés on met l’épée à la main. Les préteurs seuls étaient dans le secret ; les autres ignoraient tout.

III. Le combat s’engageait, quand Pomtinius et Flaccus surviennent et le font cesser. Toutes les lettres sans exception leur sont remises entières et bien cachetées. Les députés et ceux de leur suite sont arrêtés et conduits chez moi dès le point du jour. Je mande aussitôt l’artisan le plus effronté de ces manœuvres criminelles, Gabinius Cimber. Il ne soupçonnait encore rien. Je fais venir de même Statilius, et après lui Céthégus. Lentulus tarda plus que les autres. Sans doute les dépêches qu’il avait remises l’avaient forcé de veiller, contre son ordinaire, une partie de la nuit. À la nouvelle de ces événements, un grand nombre de citoyens distingués s’étaient rassemblés chez moi dès le matin. Ils voulaient que j’ouvrisse les lettres avant de les soumettre au sénat, afin que si elles ne contenaient rien d’important, on ne pût me faire le reproche d’avoir alarmé la république par de chimériques terreurs. Je protestai que cette affaire intéressant le salut public, je me garderais bien d’en dérober au conseil public la première connaissance. En effet, citoyens, quand même les lettres n’auraient point confirmé les avis que j’avais reçus, devais-je craindre, lorsque l’État pouvait périr, qu’on me blâmât d’un excès de prudence ? Alors, comme vous l’avez vu, j’ai réuni à la hâte une nombreuse assemblée du sénat ; en même temps, sur l’avis des Allobroges, j’ai envoyé un homme sûr, le préteur C. Sulpicius, dans la maison de Céthégus, pour enlever les armes qui s’y trouveraient. Il en a rapporté une grande quantité de poignards et d’épées.

IV. J’ai fait entrer Vulturcius sans les Gaulois. Je lui ai garanti l’impunité par ordre du sénat et au nom de la république ; je l’ai engagé à dire sans crainte tout ce qu’il savait. Revenu avec peine de son extrême frayeur, il a déclaré que Lentulus lui avait donné pour Catilina une lettre et des instructions, par lesquelles il l’exhortait à ne pas dédaigner le secours des esclaves et à s’approcher au plus tôt avec son armée. Il devait se trouver aux portes de Rome à l’instant même où les conjurés, d’après un plan arrêté et convenu, auraient mis le feu à tous les quartiers de la ville, et massacré un nombre incalculable de citoyens. Au milieu de ces horreurs, il eût arrêté quiconque aurait tenté de fuir ; ensuite il serait venu se joindre à ses amis du dedans.

Introduits à leur tour, les Gaulois ont déclaré qu’ils avaient reçu de Lentulus, de Céthégus et de Statilius, un serment et des lettres pour leur nation ; que ceux-ci, et Cassius avec eux, leur avaient recommandé d’envoyer promptement en Italie des troupes à cheval ; car des gens de pied, on n’en devait point manquer. Lentulus en outre leur avait assuré, sur la foi des aruspices et des livres sibyllins, qu’il était le troisième Cornélius auquel les destins avaient promis dans Rome un pouvoir absolu ; que deux Cornélius y avaient déjà régné, Cinna et Sylla. Cette année, disait-il encore (la dixième depuis l’absolution des vestales, et la vingtième depuis l’incendie du Capitole), était destinée, par une irrévocable fatalité, à