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CICÉRON.

ne soient à la fois et les biens les plus chers, et la source des plus douces jouissances ?

VIII. N’oubliez pas, pères conscrits, dans cette revue de nos défenseurs, la classe des affranchis. Depuis qu’ils ont mérité par leurs travaux le beau nom de Romains, ils aiment comme leur véritable patrie cette ville, que des hommes nés dans son sein, et des hommes d’un si haut rang, ont traitée comme une ville ennemie. Mais que parlé-je des affranchis ? le soin de leur fortune, les droits civils dont ils jouissent, la liberté enfin, le premier des biens, tout les attache à la patrie et les intéresse à sa défense. J’arrive aux esclaves. Non, il n’est pas un esclave, pour peu que sa condition soit tolérable, qui n’abhorre les complots tramés par des citoyens, qui ne désire la conservation de la république, qui, à défaut de son bras, ne concoure au moins par ses vœux au salut commun. Ne vous alarmez donc pas d’un bruit qui a été répandu. Un agent de Lentulus parcourt, dit-on, les demeures du pauvre et les boutiques de l’artisan, dans l’espoir de séduire à prix d’argent des âmes simples et crédules. Oui, on a tenté de soulever les artisans ; mais il ne s’en est pas rencontré d’assez malheureux, ou d’assez égarés, pour ne pas vouloir conserver le modeste asile où un travail journalier fournit à leurs besoins, le lit où ils reposent, enfin le cours même de leurs paisibles habitudes. Je ne crains pas de le dire : cette classe industrieuse est, par sa position, amie du repos et de la tranquillité. Tous les profits de son travail, tous ses moyens d’existence ont besoin, pour se soutenir, d’une grande population. La paix seule alimente son industrie. Si ses bénéfices diminuent quand les ateliers sont fermés, que sera-ce donc lorsqu’ils seront consumés par les flammes ?

Ainsi, pères conscrits, tout prouve que les secours du peuple romain ne vous manquent point : c’est à vous de ne pas donner lieu de croire que vous manquez au peuple romain.

IX. Vous avez un consul aguerri contre les dangers et les complots ; s’il échappa tant de fois à la mort, ce n’est pas pour vivre lui-même, c’est pour vous sauver. Rivaux de courage et de zèle, tous les ordres de l’État n’ont qu’une âme, qu’une volonté, qu’une voix pour le salut de la république. Menacée du fer et de la flamme par des enfants parricides, la patrie tend vers vous ses mains suppliantes. Elle implore votre appui, elle vous recommande la vie des citoyens, la citadelle et le Capitole, les autels des dieux pénates, le feu éternel et sacré de Vesta, les temples et les sanctuaires de tous les immortels, les murailles même et les maisons de cette grande ville. Enfin c’est sur votre vie, sur celle de vos femmes et de vos enfants, sur la fortune et les biens de chaque citoyen, sur la conservation de vos foyers, que vous allez prononcer aujourd’hui, vous avez, ce qu’on voit trop rarement, un chef qui s’oublie lui-même pour ne penser qu’à vous ; vous avez, ce que nous voyons aujourd’hui pour la première fois dans une cause politique, tous les ordres, tous les individus, le peuple tout entier, parfaitement uni de vœux et de sentiments. Songez quels travaux il a fallu pour fonder cet empire ; quel courage pour affermir la liberté ; à quelle