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NOTES.

du commandement de l’armée et de la province, que je pouvais conserver, du triomphe et des autres distinctions, dont j’ai sacrifié l’espoir au besoin de garder la ville et de vous sauver tous ; pour me dédommager des liaisons de clientèle et d’hospitalité qu’un proconsul forme dans sa province, et que même dans Rome je cultive avec autant de zèle que j’en mets à les rechercher ; pour prix de tous ces sacrifices, en récompense de mon dévouement sans bornes, et de cette vigilance infatigable dont le salut public atteste aujourd’hui les efforts, je ne vous demande rien, sinon de conserver la mémoire de cette grande époque et de tout mon consulat : tant qu’elle restera gravée dans vos âmes, je me croirai entouré d’un invincible rempart. Si le crime triomphant venait un jour à tromper mon espoir, je vous recommande un fils au berceau : nuls dangers ne menaceront sa vie, ses honneurs même seront assurés, tant que vous n’oublierez pas qu’il doit le jour à un père qui se dévoua seul pour tout sauver. Oui, pères conscrits, c’est votre sort que vous allez décider aujourd’hui ; c’est le sort du peuple romain, de vos femmes et de vos enfants, de vos autels et de vos foyers, des temples sacrés, de la ville, de l’empire, de la liberté, de l’Italie, de la république entière. Prononcez donc avec cette fermeté qui a signalé vos premières délibérations. Vous avez un consul qui ne craindra pas d’exécuter vos arrêts, qui les défendra toute sa vie, et qui en accepte pour toujours la glorieuse responsabilité.


NOTES
SUR LES DISCOURS CONTRE L. CATILINA.

LIVRE PREMIER.

I. Quid proxima, quid superiore nocte. Le mot proxima désigne évidemment la nuit qui précède immédiatement la séance du sénat. Le mot superiore désigne donc celle d’auparavant. Or c’est dans celle-ci que se tint chez Léca l’assemblée où fut résolue la mort de Cicéron ; témoin ces expressions du chap. 4. Recognosce tandem noctem illam superioremDico te priori nocte venisse in M. Læcæ domum. Mais on voit au chap. 18 du plaidoyer pour Sylla que cette réunion des conjurés eut lieu la nuit du 6 au 7 novembre. C’est donc le 8 que le sénat fut assemblé au temple de Jupiter Stator. C’est ainsi que l’a entendu le président de Brosses, et c’est le seul moyen de concilier les différents passages de Cicéron. On peut supposer que la journée du 7 fut nécessaire au consul pour avertir les sénateurs, et peut être pour se procurer de nouveaux renseignements sur la conjuration.

P. Scipio, pontifex maximus. Scipion Nasica était petit-fils de celui qui fut déclaré le plus honnête homme de la république, et chargé de recevoir la Mère des dieux arrivant de Pessinonte, au temps de la seconde guerre Punique. Il est appelé ici privatus, parce que la dignité de grand pontife n’était point une magistrature. Pour ce qui concerne les Gracques, voyez leur vie par Plutarque. Voyez aussi Salluste, Jugurth., chap. 42 ; Velléius Paterc., II, 16 ; Florus, II, 14 et 15 ; Saint-Réal, Conjurat. des Gracques, etc. Mediocriter labefactantem statum reipublicæ. Cicéron atténue à dessein la faute de Tibérius Gracchus, afin que la rigueur avec laquelle il fût puni contraste plus fortement avec l’impunité de Catilina. Cette observation s’applique à tous les exemples qui suivent.

Sp. Melium. Spurius Mélius était un chevalier romain qui, dans un temps de disette, forma des magasins de grains et les distribua aux citoyens. Il devint leur idole. Le sénat l’accusa d’aspirer à la tyrannie ; et pour opposer à la faveur populaire une autorité redoutable au peuple, on nomma dictateur le célèbre Cincinnatus. Il cita Spurius à son tribunal, et envoya Servilius Ahala, qu’il avait choisi pour général de la cavalerie, sommer l’accusé d’y comparaître. Mélius refusa d’obéir ; Servilius le tua, et le dictateur approuva sa conduite.

II. Clarissimo patre, avo, majoribus. Les Gracques avaient pour père Sempronius Gracchus, censeur, deux fois consul, deux fois honoré du triomphe. Leur aïeul maternel était le premier Scipion l’Africain. — M. Fulvius Flaccus, ami et partisan de C. Gracchus, mais d’un esprit beaucoup plus turbulent et d’un caractère moins estimable, fut tué avec lui par le parti de la noblesse qui avait à sa tête le consul Opimius. Cet événement eut lieu l’an de Rome 633, douze ans après la mort du premier des Gracques.