Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/651

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous ne savions pas qu’il approche ! — C’est contrairement aux intentions de Faustus, c’est à son insu, sans son ordre, qu’on a fait l’acquisition de cette troupe. — Mais il existe une lettre de Faustus, dans laquelle il prie Sylla d’acheter des gladiateurs, et ceux-là même dont il est question : il écrit non-seulement à Sylla, mais à L. César, à Q. Pompée, à G. Memmius, dont on a pris l’avis dans toute cette affaire. — Mais Cornélius a eu la direction de ces gladiateurs. — S’il n’y a rien de suspect dans l’acquisition de cette troupe, peu importe qu’il l’ait dirigée : mais enfin il n’a fait que visiter leur équipement, ce que pouvait aussi bien faire un esclave : il n’en a jamais eu la direction. C’est Balbus, affranchi de Faustus, qui en tout temps a gouverné cet te troupe.

XX. Mais, dit-on, Cincius a été envoyé par Sylla dans l’Espagne ultérieure, pour soulever cette province. D’abord, Romains, Cincius est parti sous le consulat de L. Julius et de C. Figulus, quelque temps avant les fureurs de Catilina, avant qu’on eût le moindre soupçon de ses complots. Ensuite, ce n’est pas la première fois qu’il se rendait dans ce pays ; déjà auparavant le même intérêt l’y avait retenu quelques années. Enfin il avait un motif pour partir, et un motif indispensable : un grand compte à régler avec le roi de Mauritanie. Alors, pendant son absence, Sylla, chargé par lui de gérer ses biens, vendit un grand nombre des plus belles terres de Cincius pour le libérer de ses dettes. Ainsi le motif qui en a poussé tant d’autres au crime, le désir de conserver leurs biens, n’existait plus pour Cincius, puisqu’il en avait aliéné une partie. Et puis, quel excès incroyable d’absurdité ! Comment, un homme qui voulait remplir la ville de meurtres, et la livrer aux flammes, éloigne de lui son ami intime, et le relègue aux extrémités de la terre ! Avait-il plus de facilité à réussir dans ses projets à Rome, si l’Espagne était soulevée ? Mais c’étaient deux faits isolés, qui n’avaient entre eux aucun rapport. Dans des conjonctures aussi graves, complices d’une entreprise si hardie, si violente, si périlleuse, il aurait cru devoir écarter son ami le plus attaché, le plus intime, le plus étroitement lié avec lui par de bons offices réciproques, par une longue habitude de vivre ensemble ? Il n’est pas vraisemblable qu’un homme qu’il avait toujours eu près de lui dans sa prospérité, quand tout était calme, il l’éloignât de lui dans l’adversité, à l’approche d’une tempête qu’il préparait lui-même.

Quant à Cincius (car je ne dois pas abandonner la cause d’un ancien hôte, d’un ancien ami), son caractère, sa famille, son éducation et ses principes, peuvent-ils faire croire qu’il ait voulu déclarer la guerre à la patrie ! Son père, au milieu de la défection de tous nos autres voisins, a fidèlement servi la cause de la république ; et son fils aurait pu entreprendre contre elle une guerre impie ! Ses dettes, nous le voyons, Romains, ont été contractées, non pour satisfaire des caprices, mais pour étendre sa fortune par le commerce. S’il devait à Rome ; dans les provinces et les royaumes, on lui devait des sommes immenses. Obligé d’aller les recueillir, il ne, voulait pas que ses chargés d’affaires eussent aucun embarras en son absence ; il aima mieux faire vendre toutes ses possessions, et se dépouiller d’un riche patrimoine, que de faire