Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/653

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dis que tous deux méritent des éloges : Cécilius, pour avoir proposé une loi, afin d’adoucir la condamnation d’un parent ; Sylla, pour l’avoir blâmé justement de ce qu’il semblait vouloir attaquer une chose jugée. C’est en effet par le respect pour la chose jugée que se soutient surtout la république : et je ne pense pas qu’on doive trop accorder à la tendresse fraternelle, au point de sacrifier les intérêts communs à ceux de sa famille. Mais sans attaquer le jugement, Cécilius proposait de rétablir contre la brigue la peine portée par les lois anciennes : ainsi, par sa proposition il attaquait, non la sentence des juges, mais un vice de la loi. Ce n’est pas le jugement, c’est la loi qu’on blâme, quand on se plaint d’une peine trop forte. En effet, la condamnation est l’ouvrage des juges ; ici elle subsistait : la peine est l’œuvre de la loi ; on voulait l’adoucir. Ne cherche donc pas, Torquatus, à indisposer contre nous les citoyens des différents ordres qui président aux jugements avec tant de mérite et de dignité. Personne n’a cherché à infirmer un jugement ; on n’a rien proposé de semblable. Cécilius, dans la disgrâce de son frère, a toujours cru que l’autorité des juges devait être inébranlable, mais que la rigueur de la loi pouvait être adoucie.

XXIII. Et pourquoi discuter ce point plus longtemps ? Je le dirais peut-être, et je le dirait bien volontiers : si la tendresse et l’amour fraternel eussent entraîné Cécilius un peu au delà des bornes du devoir, j’en appellerais à votre sensibilité, j’attesterais l’indulgence que chacun de nous a pour ses proches, je demanderais grâce pour l’erreur de Cécilius, en m’adressant aux secrètes pensées de votre cœur, aux sentiments communs à tous les hommes. Mais ici, la loi a été proposée pendant quelques jours : on n’a jamais essayé de la porter. Elle a été mise en délibération dans le sénat ; le peuple n’en a pas entendu parler. Lorsque nous eûmes convoqué le sénat dans le Capitole, ce fut la première affaire dont on s’occupa ; et le préteur Métellus se leva pour annoncer de la part de Sylla, que Sylla ne voulait pas que l’on portât pour lui cette loi. Depuis ce temps, Cécilius a fait beaucoup pour la république ; il a déclaré qu’il s’opposerait à la loi agraire, cette loi que j’ai attaquée, que j’ai fait rejeter dans toutes ses parties. Il a combattu de criminelles largesses ; jamais il n’a entravé les décisions du sénat. Enfin, telle a été sa conduite pendant son tribunal, qu’après s’être acquitté de ce qu’il croyait devoir à sa famille, il n’a plus songé ensuite qu’aux intérêts de l’État. Et lors même qu’il proposait sa loi, qui de nous appréhendait quelque violence de la part de Sylla ou de Cécilius ? Toutes les alarmes, toutes les craintes, toutes les idées de sédition, ne venaient-elles pas de la perversité d’Autronius ? On nous rapportait ses paroles et ses menaces. Son regard, ses courses empressées, son cortège, ces troupes d’hommes pervers qu’il traînait après lui, nous inspiraient la terreur, nous annonçaient des séditions. Un compagnon si odieux, dans son élévation comme dans sa chute, dut nécessairement faire perdre à Sylla sa prospérité, et au jour du malheur lui enlever toute ressource, toute consolation.

XXIV. Ici, Torquatus, tu fais souvent mention de la lettre que j’ai écrite à Cn. Pompée sur les faits de mon consulat, et sur la situation de la république en général ; tu y cherches une accusation contre Sylla ; et si j’ai dit dans cette