Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/658

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Et pour parler de la fermeté, du patriotisme de ces hommes dont la vertu et la sagesse seules font l’éloge, sans attendre les ornements d’aucun discours, peut-on dire que les consulaires aient jamais été plus zélés, plus fermes, plus courageux que dans ces temps de crise où la république faillit périr ? Qui d’entre eux n’opina point alors pour le salut commun de la manière la plus franche et la plus vigoureuse, sans se démentir jamais ? Ce que je dis n’est point particulier aux consulaires ; ces éloges peuvent s’adresser de même à ces hommes distingués qui ont été préteurs, et à tout le sénat ; et il est constant que jamais, de mémoire d’homme, il n’y eut dans tout cet ordre, plus de vertu, plus d’amour pour la patrie, plus de grandeur. Mais comme Torquatus a désigné plus particulièrement les consulaires, j’ai cru devoir rappeler en peu de mots (et ce peu de mots suffisait, avec le témoignage de Rome entière), qu’il n’en est aucun parmi eux qui ne se soit employé de tout son zèle, de toutes ses forces, de tout son pouvoir, à la conservation de la république.

XXX. Mais quoi ? moi qui n’ai pas fait l’éloge de Catilina ; qui, étant consul, n’ai point sollicité pour Catilina accusé, qui ai déposé contre d’autres, sur le fait de la conjuration, suis-je à vos yeux assez dépourvu de sens, assez infidèle à mes principes, assez oublieux de mes actions, pour que je désire aujourd’hui sauver le chef de ces conjurés à qui j’ai fait la guerre pendant mon consulat ; pour que je me détermine à défendre la cause et la vie d’un homme, dont j’ai tout récemment émoussé le glaive, éteint les torches incendiaires ? Certes, Romains, quand la république sauvée par mes travaux et au péril de mes jours ne me rappellerait pas, par son image imposante, à la fermeté de caractère, à ma propre dignité, toutefois, il est dans la nature que celui que nous avons craint, à qui nous avons disputé notre vie et notre fortune, aux attentats de qui nous avons échappé, soit pour nous l’objet d’une haine implacable. Mais puisqu’il s’agit de l’honneur de mon consulat, et de la gloire de mes actes ; puisqu’un accusé ne peut être convaincu de ce crime sans renouveler le souvenir de la patrie sauvée par moi, quelle ne serait pas ma démence de donner à croire que tout ce que j’ai fait pour le salut public, a été l’effet du hasard et du bonheur plutôt que du courage et de la réflexion !

Quoi donc ! dira-t-on peut-être ; prétendez-vous qu’un accusé soit jugé innocent par cela seul que vous l’aurez défendu ? Non, Romains, non je ne prétends rien de ce qu’on pourrait me disputer ; au contraire, je cède même, j’abandonne ce qui pourrait m’être accordé par tout le monde. Non, la république où je vis n’est pas assez parfaite, ni les temps où je me suis dévoué pour la patrie assez heureux, ni les hommes que j’ai domptés assez abattus, ni ceux que j’ai sauvés assez reconnaissants, pour que j’entreprenne de m’attribuer plus que ne voudraient mes ennemis et mes envieux. On serait offensé d’entendre celui qui a suivi les traces de la conjuration, qui l’a exposée au grand jour, qui l’a étouffée ; celui à qui le sénat a rendu des actions de grâces dans les termes les plus honorables, pour lequel seul il a voté des prières publiques en temps de paix : de