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PLAIDOYER POUR L. FLACCUS.

DISCOURS VINGT-SIXIÈME.


INTRODUCTION.

Lucius Flaccus, de l’ancienne famille Valéria, était préteur pendant le consulat de Cicéron, l’an de Rome 690, avait surpris, entre les mains des Allobroges, les lettres dont les conjurés les avaient chargés, et avait par là découvert tous leurs projets. Après sa préture, il avait gouverné l’Asie Mineure pendant trois ans, suivant Manuce, ou, suivant des calculs beaucoup plus justes, pendant une seule année. À son retour, il fut accusé de concussion par D. Lélius ; mais les informations entraînèrent de longs délais, et la cause ne fut plaidée qu’en 694, sous le consulat de C. Julius César et de M. Calpurnius Bibulus. Hortensius et Cicéron défendirent l’accusé. Flaccus fut absous, bien que l’accusation ne fût pas sans fondement, comme nous l’apprend Macrobe. Le succès du plaidoyer, au dire de cet auteur, fut principalement dû à quelques bons mots que l’orateur ne reproduisit pas dans les copies qui furent publiées. Macrobe ajoute que les juges n’eurent pas la force de condamner Flaccus dans le sein même de la ville qu’il avait préservée de l’incendie. L’accusé était chargé par les dépositions d’un grand nombre de témoins asiatiques ou de citoyens romains établis dans ces contrées. Cicéron nous apprend dans une lettre à Atticus, II, 25, que l’orateur Hortensius l’éleva jusqu’aux cieux en parlant de la conjuration. Cette occasion de rappeler et de défendre son consulat avait dû surtout l’engager lui-même à plaider pour Flaccus.

On trouvera dans ce Discours, qui offre des lacunes, une nouvelle page découverte par M. Mai, dans un manuscrit palimpseste de la bibliothèque Ambrosienne de Milan, et publiée pour la première fois dans la même ville en 1814. M. Leclerc place cette page au chap. 3. Les mois cités par saint Jérôme (Comm. ad Galat., I, 3 ; Epist., X, 3), ingenita levitas et erudita vanitas, que Cicéron adressait sans doute aux Grecs dont il combattait le témoignage, appartenaient à un des endroits perdus de ce plaidoyer.


I. Lorsque, au milieu des plus grands périls de Rome et de l’empire, dans la situation la plus critique et la plus douloureuse où se soit jamais trouvée la république, Flaccus secondait mes desseins, partageait mes travaux et mes dangers, m’aidait avec tant de zèle à vous sauver du massacre, vous, vos femmes et vos enfants, à garantir du ravage les temples, les autels, Rome et l’Italie entière, j’avais lieu, Romains, d’espérer que ma voix serait employée à réclamer pour lui une récompense honorable plutôt qu’à le garantir de l’infortune. Le peuple romain, qui accorda toujours aux ancêtres de L. Flaccus le prix glorieux de la vertu, pouvait-il le refuser à un descendant de la famille Valéria, qui, après un espace de près de cinq siècles, émule de leur ancienne gloire, avait aussi délivré sa patrie. Je pensais alors que, s’il devait un jour se trouver quelque citoyen, ou détracteur des services signalés de Flaccus, ou ennemi de son mérite, ou envieux de sa gloire, Flaccus aurait à subir plutôt les emportements d’une multitude ignorante, sans toutefois courir aucun péril, que le jugement d’un tribunal composé de citoyens sages et respectés. Non, je n’aurais jamais cru que le ministère de ceux mêmes qui nous avaient aidés de leurs conseils et de leurs personnes à préserver d’une ruine totale, non seulement tous les citoyens, mais encore toutes les nations, pût servir à compromettre l’honneur et l’existence de celui que je défends. Et si quelqu’un parmi nous devait travailler un jour à perdre Flaccus, je n’aurais jamais cru que D. Lélius, fils d’un si vertueux père, et qui peut justement prétendre lui-même à un si noble rang, se chargeât d’une accusation qui sied plus à la haine et à la fureur des citoyens pervers, qu’au mérite d’un jeune homme élevé dans la sagesse et la vertu. Moi qui avais vu souvent d’illustres personnages oublier les