Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/681

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geait des rameurs en Asie, ne levions-nous pas ici quatre millions trois cent mille sesterces pour les deux mers qui baignent nos rivages ? Et l’année suivante, les questeurs M. Curius et P. Sextilius n’ont-ils pas levé de l’argent pour une armée navale ? Enfin, dans tous ces derniers temps, la côte n’a-t-elle pas été gardée par une troupe de cavalerie ? Ce qui relève surtout la gloire de Pompée, c’est, d’abord, que les pirates, qui étaient répandus sur toute l’étendue de la mer lorsqu’on le chargea de la guerre maritime, aient tous été réduits sous notre puissance ; ensuite, que la Syrie soit à nous, que la Cilicie nous appartienne, que l’île de Chypre, contenue par le roi Ptolémée, ne puisse rien entreprendre ; que, de plus, la Crète, par le courage de Métellus, nous soit assujettie ; que les pirates n’aient plus aucun endroit d’où ils puissent partir, aucun où ils puissent revenir ; que tous les golfes, les promontoires, les rivages, les îles, les villes maritimes soient au pouvoir et sous la clef de notre empire.

Quand même, sous la préture de Flaccus, il n’y aurait pas eu de pirates en mer, ce ne serait pas une raison pour blâmer sa précaution ; car je croirais qu’il n’y en a pas eu, parce qu’il avait une flotte prête. Mais si je prouve, par les dépositions d’Oppius, d’Agrius, de Cestius, chevaliers romains, de l’illustre Domitius, qui est ici présent, et qui était alors lieutenant en Asie ; si je prouve qu’une foule d’hommes ont été pris par les pirates, blâmera-t-on encore Flaccus d’avoir exigé des rameurs ? Que dis-je ? les pirates n’ont-ils pas fait périr un des plus notables habitants d’Adramyttium, dont nous connaissons presque tous le nom, l’athlète Atinas, vainqueur aux jeux Olympiques, ce qui, chez les Grecs (puisque nous parlons de la gravité de cette nation), est presque plus noble et plus glorieux qu’à Rome d’avoir triomphé ? Mais Flaccus n’a pris aucun pirate. Combien d’illustres généraux ont veillé sur les côtes, qui, sans avoir pris aucun pirate, ont tenu la mer en sûreté ? Une telle prise est l’effet du hasard, du lieu, de l’événement, de l’occasion. Il est facile d’échapper aux poursuites, quand on connaît les abris les plus cachés, quand on sait profiter de la faveur et du retour des vents.

XIV. Il reste à examiner si notre flotte a réellement parcouru la mer avec des rames, ou vogué seulement en dépense et sur des registres. Peut-on nier un fait dont toute l’Asie est témoin, que la flotte a été divisée en deux parties, que l’une a navigué au-dessus et l’autre en deçà d’Éphèse ? Avec cette flotte, l’illustre M. Crassus est passé de la ville d’Énus dans l’Asie ; avec ces vaisseaux, Flaccus s’est transporté d’Asie dans la Macédoine. En quoi donc peut-on attaquer l’intégrité du préteur ? Sur le nombre des vaisseaux et sur la répartition égale de la dépense ? Il a exigé la moitié des vaisseaux dont s’était servi Pompée. En pouvait-il exiger moins ? Il a réparti l’imposition d’après le rôle de Pompée, conforme à celui de Sylla : ce dernier ayant réparti également les dépenses sur toutes les villes d’Asie, Pompée et Flaccus ont suivi le même rôle, et cependant la somme prescrite n’a pas encore été complétée. Mais il n’en rend pas compte. Qu’y gagnerait-il, puisqu’il avoue l’avoir exigée, ce dont vous lui faites un crime ? Comment donc prouverez-vous qu’il s’accuse lui-même en ne por-