Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/684

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aux registres, et dit qu’en son nom il a remis une somme à Flaccus. Une pareille effronterie est-elle supportable ? Quand on fait lire des actes publics, qui ont été au pouvoir de l’accusateur, on ne mérite aucune créance ; mais enfin on observe la forme des jugements, lorsqu’on produit ces actes mêmes, quels qu’ils soient. Mais lorsqu’un homme, qu’aucun de vous n’a jamais vu, dont aucun mortel n’a jamais entendu parler, se contente de dire, J’AI REMIS UNE SOMME, hésiterez-vous à ne pas livrer un de vos citoyens les plus illustres à la merci du plus inconnu des Phrygiens ? C’est ce même homme que dernièrement trois chevaliers romains, recommandables par leur rang et leur caractère, ont refusé de croire dans une cause de liberté ; il prétendait que celui qu’on revendiquait comme esclave était son proche parent. Quoi ! un homme qu’on n’a pas jugé digne de foi, quand il déposait d’un outrage fait à son propre sang, méritera d’être cru dans une accusation publique ! Il y a quelques jours, l’on portait au bûcher ce même Doryléen, lorsque vous teniez le tribunal, au milieu d’un peuple nombreux ; Lélius rejetait sur Flaccus l’odieux de cette mort. Vous êtes injuste, Lélius, de vouloir nous rendre responsables de tout ce qui arrive à vos hôtes, surtout quand cet accident ne vient que de votre négligence. Vous avez présenté un panier de figues à un Phrygien qui n’avait jamais vu de figuier. Sa mort vous a été profitable, elle vous a soulagé ; vous voilà délivré d’un hôte grand mangeur : mais de quoi a-t-elle servi à Flaccus, puisque votre témoin a eu de la santé jusqu’au moment où il a comparu, et qu’il est mort en laissant l’aiguillon dans la plaie, après avoir rendu témoignage ?

Arrivons à Mithridate, cette colonne de votre accusation, que nous avons fait parler deux jours, et qui a débité tout ce qu’il a voulu : après s’être retiré, pris en défaut, convaincu, confondu, il ne marche dans Rome qu’avec une cuirasse. En homme sensé et prudent, il craint que Flaccus ne se charge d’un crime, à présent qu’il ne peut plus éviter son témoignage. Oui, quelqu’un qui s’est modéré avant que ce témoignage fût rendu, lorsqu’il pouvait encore gagner quelque chose, cherchera maintenant à ajouter l’inculpation d’un meurtre véritable à cette accusation d’avarice faussement dirigée contre lui ! Mais Hortensius a parlé de Mithridate et de tout ce qui concerne ce témoin, avec autant d’habileté que de force : nous allons continuer cet examen.

XVIII. Celui qui a servi comme de chef pour soulever tous les Grecs que nous voyons assis sur le banc des accusateurs, est ce fameux Héraclide de Temnos, homme aussi sot que grand parleur, mais si habile, à ce qu’il s’imagine, que même il se donne pour maître des autres ; au reste, flatteur si assidu, qu’il nous fait journellement la cour à tous. Il n’a pu encore, à son âge, entrer dans le sénat de Temnos ; et quoiqu’il fasse profession d’enseigner aux autres l’art de la parole, il a honteusement perdu tous ses procès. Nicomède est venu avec lui comme député ; également heureux, il n’a pu entrer dans le sénat par aucun moyen, ayant été condamné pour vol et pour fraude. Quant à Lysanias, chef de la députation, il est entré au sénat ; mais trop attaché au bien de la république, il a été condamné pour péculat, dépouillé de sa fortune et du titre de sénateur. Ce sont ces trois hommes qui ont voulu falsifier nos propres registres : ils ont déclaré avoir neuf escla-