Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/719

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par son âge ; L. Diadématus, déjà consulaire, et jouissant de la plus haute considération ; Métellus, ancien censeur ; Métellus Népos, qui alors demandait le consulat ; les fils de ses sœurs, les Lucullus, les Servilius, les Scipions ; car toute cette nombreuse famille se réunit pour demander le retour de son chef ; et quand même son mérite personnel et ses brillants exploits n’auraient pas été des titres assez recommandables, la piété de son fils, les prières de ses parents, la douleur de tant de suppliants encore dans l’adolescence, les larmes de tant de vieillards ont pu suffire pour émouvoir le peuple romain.

Quant à Marius, le troisième consulaire qui, depuis ces illustres personnages, a subi avant moi un sort indigne de sa gloire, les moyens qu’il employa furent d’un autre genre. Il n’eut point recours aux supplications. Dans un temps de troubles et de factions, il se rétablit lui-même par ses soldats et par les armes. Mais moi, sans famille, sans alliances, sans l’appui d’une faction armée, je n’ai été protégé auprès de vous que par les vertus de Pison, mon gendre, et par la douleur et les larmes intarissables du plus malheureux, et du plus tendre des frères.

Je n’avais que lui dont le deuil pût attirer vos regards, et dont les pleurs pussent exciter vos regrets et rappeler mon souvenir. Romains, si vous ne m’aviez rendu à ses vœux, il avait résolu de subir mon sort ; et tel était son amour pour moi, qu’il ne pouvait supporter l’idée que nous fussions jamais séparés, je ne dis pas seulement de demeure, mais même de tombeau. Pendant que j’étais encore à Rome, le sénat et vingt mille citoyens prirent l’habit de deuil. Après que j’eus quitté Rome, mon frère seul parut à vos yeux dans ce lugubre appareil. Lui seul, de ma famille, pouvait se montrer dans le forum ; il fut pour moi un véritable fils par son dévouement, un père par ses bienfaits, comme il fut toujours mon frère par sa tendresse. Vous n’avez pu être témoins de l’affliction d’une épouse infortunée, des regrets inconsolables de la meilleure des filles, des larmes innocentes d’un fils encore enfant ; des voyages nécessaires les éloignaient de vous, et le reste du temps, une retraite profonde cachait à tous les yeux leur douleur solitaire.

IV. Ainsi donc vous avez d’autant plus droit à notre reconnaissance, que ce n’est pas à la multitude de nos parents, mais à nous-mêmes que vous nous avez rendus. Cependant si le sort ne m’a pas accordé une famille qui pût vous supplier en ma faveur, ma conduite passée m’a du moins concilié un tel nombre d’intercesseurs illustres, que, sous ce rapport, je ne puis rien envier à ceux qui m’ont précédé. Jamais aucune proposition ne fut faite dans le sénat pour le rappel ni du vaillant Popillius, ni de Métellus, si distingué par son courage et son inflexible fermeté, ni de Marius, sauveur de Rome et de votre empire.

Les deux premiers furent rappelés par des lois tribunitiennes, sans le concours du sénat. Marius ne fut pas rétabli par le sénat, dont il fut même l’oppresseur ; Marius n’a point dû son retour à la mémoire de ses glorieux exploits ; la force et ses soldats ont tout fait. Quant à moi, le sénat a toujours demandé que l’on prît en considération l’importance de mes services ; et du moment où il l’a