Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais comme cet insensé a cru qu’il attirerait votre attention en déclamant contre l’avis que j’ai ouvert, il y a quelques jours, dans le sénat, je dérogerai pour cette fois à l’ordre que j’ai coutume de suivre, et je répondrai d’abord, non pas au discours d’un furieux, car de quel discours est-il capable ? mais à ses invectives, genre d’éloquence où il excelle, grâce à une hardiesse insolente, et encore plus à une longue impunité.

II. Et d’abord, dis-moi, homme aveugle et emporté, quel remords vengeur de tes infamies et de tes crimes a pu te faire croire que de tels hommes, dont les conseils gouvernent Rome, et dont la dignité est son appui, sont irrités contre moi, parce qu’en donnant mon opinion je n’ai point séparé notre salut de la gloire de Pompée, et qu’ils penseront aujourd’hui, sur une grande question religieuse, autrement qu’avant mon retour ? Les pontifes, dit-il, vous ont une fois donné la victoire ; mais aujourd’hui que vous êtes passé dans le parti populaire, vous serez vaincu. Quoi ! le vice qu’on reproche le plus à une multitude ignorante, la légèreté, l’inconstance, les changements d’opinion, aussi fréquents que les variations de l’air, tu oses l’imputer à ce collège auguste, que son caractère grave met à l’abri de l’inconstance, que les principes immuables de la religion, les exemples de l’antiquité l’autorité des archives et des monuments, éloignent de tout avis passionné. C’est donc là, dit-il, le citoyen dont le sénat n’a pu se passer, que tous les gens de bien ont pleuré, que la république a regretté, et dont le rétablissement semblait être celui de l’autorité du sénat ! il revient pour la trahir ! Je ne parle point encore de mon avis ; je vais d’abord confondre ton impudence.

III. Il est donc vrai, peste publique, que par le glaive et par le poignard, par la terreur d’une armée, par la scélératesse des consuls, par les menaces d’une bande d’audacieux, par des levées d’esclaves ; il est donc vrai qu’en assiégeant nos temples, en envahissant le forum, en opprimant le sénat, tu réduisis à quitter sa maison et sa patrie, pour ne point mettre les bons aux prises avec les méchants, un citoyen que le sénat, que tous les gens de bien, que l’Italie entière, ont, de ton aveu, regretté, redemandé, rappelé pour sauver l’État ?

Mais vous ne deviez point aller au sénat, ni entrer dans le Capitole en ce jour de trouble. Je n’y allai point, et je me tins chez moi tant que le trouble dura, tant que je sus que tes esclaves, préparés au pillage, au massacre des gens de bien, et accompagnés de cette bande de tes criminels satellites, t’avaient suivi en armes au Capitole. Oui, à la nouvelle de tes violences, je restai chez moi, et je ne voulus point vous donner, à tes gladiateurs et à toi, l’occasion de recommencer le carnage. Mais quand je fus instruit que le peuple romain, menacé et craignant de manquer de blé, s’était rassemblé au Capitole, et que les ministres de tes forfaits, épouvantés à la vue de cette multitude, s’étaient enfuis chacun de son côté, laissant leurs armes sur la place, les uns de gré, les autres de force ; alors je m’y rendis, sans escorte, sans gardes, et seulement avec quel-