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PLAIDOYER POUR Q. ROSCIUS LE COMÉDIEN.

DISCOURS TROISIÈME.


ARGUMENT.

C. Fannius Chéréa, Grec d’origine, affranchi d’un certain C. Fannius, dont il avait pris le nom, suivant l’usage, avait confié au célèbre comédien Roscius un esclave nommé Panurge. Roscius devait l’instruire dans son art, et partager avec Chéréa le fruit du talent de son esclave. Panurge avait fait des progrès, et son titre d’élève de Roscius lui attirait la faveur du public, lorsqu’il fut tué par Flavius de Tarquinies. Roscius, voulant intenter un procès à Flavius, chargea Fannius de poursuivre l’affaire commune. Pendant l’instruction, Roscius transigea avec Flavius pour une indemnité de cent mille sesterces (vingt mille cinq cents francs). La somme ne lui fut pas comptée, mais il reçut en payement une terre qui avait peu de valeur à cette époque, où la domination de Sylla ne permettait à personne de compter sur la jouissance durable de ses biens. Ensuite, à la sollicitation de Pison, que Fannius avait choisi pour arbitre, Roscius fit à son associé l’abandon d’une somme pour les peines qu’il s’était données a l’occasion du procès, à la condition cependant que s’il obtenait lui-même une indemnité de Flavius, il la partagerait avec Roscius. Fannius accepta et promit. Il poursuivit Flavius, prit pour juge, dans cette affaire particulière, C. Cluvius, chevalier romain, et obtint de son adversaire une somme de cent mille sesterces qu’il garda pour lui seul. Non content de n’avoir pas rempli la convention, il imagina, quatre ans après, d’attaquer Roscius en justice, et de réclamer moitié de la valeur que la terre se trouvait avoir alors acquise. Flavius était mort dans l’intervalle. Fannius prétendait que Roscius avait transigé au nom de la société, avec l’intention de le priver de la part d’indemnité qui lui revenait légitimement. Le préteur renvoya l’affaire devant C. Calpurnius Pison, à qui l’arbitrage en avait été soumis trois ans auparavant (Pison fut élu consul neuf ans après ce procès, l’an 686, et fit alors passer la sévère loi Calpurnia, sur la brigue). Il avait pour assesseur M. Perpenna, qui avait été censeur et consul, et qui, en mourant à quatre-vingt-dix-huit ans, ne laissa après lui dans le sénat que sept des sénateurs qu’il avait choisis pendant sa censure. Plin. VII, 48. Val. Max. VIII, 13, 4.

L’affaire fut plaidée l’an de Rome 677, sous le consulat de Cn. Octavius et de M. Scribonius Curion. Quatre ans auparavant, Cicéron avait défendu Sextus Roscius Amérinus : il avait employé l’intervalle à voyager en Grèce et en Asie, et demandait alors la questure, dans la trente et unième année de son âge.

Les prétentions de Fannius furent soutenues par Saturius dont Cicéron a vanté ailleurs l’esprit, l’activité et la vertu.

Cicéron gagna sa cause. Il démontra aux juges que Fannius avait été, comme Roscius, indemnisé par Flavius de la perte qu’il avait faite.

À peine la sixième partie de ce discours est-elle parvenue en entier jusqu’à nous : il manque l’exorde, la narration, la plus grande partie de l’exposé des preuves et la péroraison.

Sur le comédien Q. Roscius Gallus, le seul qui parût digne, par son talent, de monter sur la scène, et, par sa vertu, de n’y monter jamais (pro Quint. II, c. 25), on peut consulter avec fruit, outre de nombreux passages de Cicéron, Horace, Epist. II, 1, 81 ; Pline, VII, 39 ; Quint., XI, 3 ; Macrobe, Saturn., III, 14 ; Athénée, liv. XIV ; Plutarque, Vie de Cicéron ; et, parmi les modernes, Desjardins, Addend. V ; mais surtout le savant abbé Fraguier, Recherches sur la vie de Roscius, lues le 23 février 1717, à l’Académie des inscriptions.


Lacune considérable.

I. Sa perfidie est connue, et on le croirait ? … C’est assurément un homme d’une haute vertu et d’une bonne foi sans égale, qui veut, dans sa propre cause, s’appuyer du témoignage de ses propres registres. Quand on présente les livres d’un homme de bien pour prouver la réalité d’une dépense, on a coutume de dire : Aurais-je pu corrompre un tel homme, et lui faire inscrire, dans mon intérêt, un faux sur son journal ? Je m’attends à voir bientôt Chéréa nous tenir ce