Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/730

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les brigandages, l’impunité des crimes, la fuite, la terreur, la discorde, aient voulu, en faveur du peuple romain, que mon retour ramenât à la fois la fertilité des terres, l’abondance des moissons, l’espérance de la paix, la tranquillité des esprits, la justice, les lois, la concorde entre les citoyens, l’autorité du sénat ; soit que moi-même, pour prix d’un tel bienfait, j’aie dû, à mon arrivée, procurer par mes soins et mes conseils quelque avantage important à mes concitoyens ; je le lui procurerai, je le promets, je m’y engage. Qu’il me suffise de dire aujourd’hui, que la république ne sera plus exposée, sous prétexte de la cherté des vivres, aux dangers dans lesquels on cherchait à la précipiter.

VIII. Si donc je n’ai fait que remplir le devoir qui m’était imposé plus qu’à tout autre, faut-il blâmer mon avis ? par cet avis, j’ai repoussé la famine déjà menaçante ; je vous ai sauvés vous-mêmes des meurtres, des incendies, des plus affreux ravages : on ne peut le nier, lorsqu’au motif pressant de la cherté des vivres venait se joindre encore cet homme si habile à épier toutes nos misères, et qui n’a jamais manqué d’allumer sa torche incendiaire au feu de nos discordes civiles.

Il prétend qu’on ne devait décerner aucune commission extraordinaire à un seul homme. Ici, Clodius, je ne vous répondrai plus comme aux autres, que Pompée a été chargé extraordinairement de plusieurs guerres importantes et dangereuses, tant sur terre que sur mer, et que quiconque en est jaloux, l’est aussi des victoires du peuple romain. Non, ce n’est pas avec vous que je raisonne ainsi ; je tiendrais ce langage à ceux qui déclarent que, s’il était à propos de confier à un seul homme quelque partie du gouvernement, ils la confieraient à Pompée, mais qu’ils blâment ces commissions extraordinaires ; que toutefois. Pompée en ayant été chargé, ils respectent et sont prêts à appuyer ce pouvoir dans les mains d’un si grand homme. J’approuverais leur opinion, si je n’en étais empêché par ces triomphes qui ont ajouté à la grandeur de notre nom, et illustré notre empire, dans ces occasions mêmes où Pompée avait été appelé extraordinairement à la défense de la patrie. Je loue du moins ces citoyens respectables, d’être conséquents à leurs principes ; mais je devais être conséquent aussi bien qu’eux, moi qui provoquai la commission extraordinaire en vertu de laquelle il a fait la guerre à Mithridate et à Tigrane. On peut au moins raisonner avec de tels hommes : mais vous, quelle impudence est la vôtre, d’oser dire qu’on ne doit donner à personne de commission extraordinaire ; vous qui, après avoir, par une loi inique, soumis à la confiscation Ptolémée, roi de Chypre, frère du roi d’Alexandrie, et non moins roi que lui ; après avoir rendu les Romains complices de votre crime, en leur faisant envahir les États, les biens et la fortune d’un prince dont le père, l’aïeul et les ancêtres avaient été nos alliés et nos amis, fîtes charger Caton de transporter les richesses du monarque, et de faire la guerre à quiconque voudrait défendre ses droits ? Quel homme ! direz-vous ; le plus vertueux, le plus sage, le plus brave citoyen de l’empire, le plus zélé défenseur de la république, et dont nous admirons tous la prudence, la conduite, la vertu singulière ! Mais