Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/736

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ciel ? M. Bibulus, homme d’une vertu, d’une constance, d’une fermeté rare ; Bibulus, ici présent et alors consul, avait, je le soutiens, pris ce jour-là même les auspices. Mais vous regardez donc comme nuls les actes de César, de cet illustre citoyen ? Point du tout ; il ne m’importe plus qu’ils le soient ou ne le soient pas, si ce n’est autant que vous y avez trouvé des armes contre moi. Mais ce qui s’est fait contre les auspices, que je touche très-légèrement, vient de vous seul. C’est vous, Clodius, qui, au moment où votre tribunal affaibli tombait eu ruine, devîntes tout d’un coup le défenseur des auspices ; c’est vous qui fîtes monter à la tribune, et Bibulus, et les augures ; c’est à vos interrogations que les augures répondirent qu’il n’était point permis de faire délibérer le peuple, dès qu’on prenait les auspices ; c’est à vous que Bibulus répondit, sur votre demande, qu’il les avait pris ce jour-là ; et le même Bibulus, appelé à la tribune par Appius votre frère, déclara encore devant l’assemblée, qu’ayant été adopté contre les auspices, vous n’aviez jamais été tribun du peuple. Enfin, toutes vos harangues, dans les derniers mois, tendaient à faire annuler par le sénat tout ce qu’avait fait César, comme fait au mépris des auspices ; et vous promettiez, à ce prix, de me rapporter vous-même à Rome sur vos épaules, comme le sauveur et le gardien de Rome. Voyez l’étrange inconséquence de cet homme qui, dans son tribunal, se croyait lié par les actes de César !

Si donc les pontifes, en vertu des lois de la religion, et les augures, en vertu des auspices, renversent tout votre tribunal, que demandez-vous davantage ? Prouverons-nous encore plus clairement que le droit public et les lois le condamnent ?

XVI. Ce fut vers la sixième heure que, plaidant la cause de C. Antonius, mon collègue, je me permis quelques plaintes sur l’état de la république, dans l’intérêt de cet infortuné. Des malveillants en firent un rapport infidèle à quelques hommes de grande considération, et le même jour, à la neuvième heure, vous fûtes adopté.

Si l’intervalle, qui doit être de trois jours de marché pour toutes les autres lois, peut être réduit a trois heures pour l’adoption, je n’ai rien à dire ; mais si les mêmes formes doivent y être observées, si le sénat a prononcé autrefois que les lois de M. Drusus portées contre la loi Cécilia-Didia n’obligeaient pas les citoyens, vous sentez dès lors que, suivant toute la jurisprudence, soit des choses sacrées, soit des auspices, soit enfin des lois civiles, vous n’avez jamais été tribun du peuple. Mais je vous fais grâce entière sur ce point ; car je vois que d’illustres et de grands citoyens ont jugé, dans plus d’une occasion, que vous aviez pu traiter avec le peuple ; et même, en ce qui me regardait, tout en convenant que votre loi avait mis la république au tombeau, ils disaient que ces funérailles si tristes, si désastreuses, n’en étaient pas moins légales ; qu’en ordonnant cette proscription contre un citoyen tel que moi, qui avait bien servi la patrie, vous aviez porté à la patrie même un coup mortel ; mais que les auspices ayant été respectés, vous aviez le droit pour vous. On me permettra donc, je pense, de ne point attaquer la validité des actes sur lesquels ils trouvent votre tribunal solidement établi.

Je veux que vous ayez été tribun du peuple aussi légalement que Rullus, ici présent, cet homme distingué et recommandable à tant de titres. Mais quelle loi, quel usage, quel exemple vous autorisait à faire proscrire nommément un citoyen qui n’était point condamné ?

XVII. Il est défendu, et par les lois sacrées,