Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/747

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Homme populaire, est-ce donc ainsi que vous protégez notre liberté et nos droits ? Il suffira qu’un tribun du peuple ait prononcé la formule : VOULEZ-VOUS ? ORDONNEZ-VOUS ? et qu’une centaine de Sédulius répondent qu’ils veulent et qu’ils ordonnent, pour que chacun de nous cesse d’être citoyen ? Nos ancêtres n’étaient donc point populaires, eux qui, pour les droits de cité et de liberté, ont établi des lois que ne peuvent ébranler ni la violence des temps, ni la puissance des magistrats, ni l’autorité des jugements, ni le pouvoir suprême du peuple romain, qui, dans tout le reste, n’a point de bornes.

Mais vous, qui nous ravissez ainsi le titre de citoyen, vous avez vous-même porté une loi contre de pareils abus de pouvoir en faveur d’un certain Ménula d’Anagui, qui, par reconnaissance, vous a érigé une statue sur le terrain de ma maison ; sans doute pour que le lieu même démentît, à la face de l’univers, et votre loi et l’inscription de la statue : chose d’ailleurs qui fit beaucoup plus de peine à l’illustre municipe d’Anagui, que tous les forfaits qu’y a commis ce gladiateur.

XXXI. Que sera-ce, s’il n’en est pas même dit un mot dans cette loi de votre façon, à laquelle Sédulius nie avoir donné son suffrage, malgré les efforts que vous faites pour décorer de cet illustre nom les actes de votre immortel tribunal ? Mais s’il n’y a réellement rien dans votre loi qui m’ôte, ni le titre de citoyen, ni même le rang où m’ont élevé les honneurs du peuple romain, oserez-vous encore outrager de paroles un citoyen que vous voyez, depuis le forfait abominable des derniers consuls, publiquement honoré par le sénat, par le peuple romain, par l’Italie entière, et à qui, durant son absence, vous ne pouviez contester la qualité de sénateur, même en vertu de votre loi ? En effet, ou avez-vous demandé que l’eau et le feu me fussent interdits ? ce que Graechus requit contre Popillius et Saturninus, contre Métellus. Ces tribuns séditieux eurent grand soin de demander, non pas que le feu et l’eau fussent censés avoir été interdits à ces deux vertueux citoyens, mais qu’ils leur fussent formellement interdits. Où avez-vous pourvu à ce que le censeur ne lût pas mon nom, à mon rang, sur la liste des sénateurs ? On a toujours soin de le marquer dans toutes les lois d’exil, même après une condamnation. Demandez-le au rédacteur de vos lois, à Sextus Clodius ; faites-le venir : il se garde bien de se montrer ; mais ceux que vous y enverrez le trouveront, à coup sûr, chez votre sœur, baissant la tête pour mieux se cacher. Enfin, si votre père, excellent citoyen, bien différent de vous deux, ne fut jamais traité d’exilé par aucun homme de bon sens, quoique traduit devant le peuple par un tribun qui venait de publier une loi contre lui ; s’il refusa de comparaître, dans le temps de la tyrannie de Cinna, et fut, pour cette raison, destitué de son commandement ; si cette peine, portée suivant les lois, n’eut rien de déshonorant pour lui, à cause des troubles où se trouvait l’État : moi, qui ne fus jamais ajourné, jamais accusé, jamais cité par un tribun, comment ai-je pu encourir une peine de condamnation, celle-là surtout qui n’est pas énoncée par la loi ?

XXXII. Et voyez quelle différence encore entre la disgrâce très-injuste de votre père, et les circonstances où je me suis trouvé. Votre père, citoyen zélé, fils d’un homme illustre, et qui, s’il