Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/75

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d’un homme de bien. Dans l’un tout est confus, dans l’autre tout est dans un ordre parfait. Aussi n’a-t-on jamais présenté à des juges un simple journal, mais bien des livres et des registres.

III. Vous-même, Pison, avec la probité, la vertu, la sagesse et l’autorité qui vous distinguent, vous n’oseriez réclamer de l’argent, de simples notes à la main. Quant à moi, je ne dois pas insister plus longtemps sur un point démontré par l’usage. Mais je demande, et cela est essentiel dans la cause : Depuis quand, Fannius, avez-vous porté cette créance sur vos brouillons ? Il rougit, il ne sait que répondre : un mensonge ne lui vient pas assez vite. Il y a deux mois, direz-vous. Mais encore fallait-il, depuis ce temps, l’inscrire sur votre registre. Il y a six mois passés. Pourquoi alors la laisser si longtemps confiée à de simples feuilles ? Mais s’il y avait plus de trois ans ? Comment, quand tous ceux qui tiennent des registres y reportent, presque chaque mois, le compte de leur recette et de leur dépense, vous laissiez cette créance plus de trois ans sur votre journal ? Vos autres créances ont-elles été portées sur votre registre, oui ou non ? Si vous ne l’avez pas fait, comment rédigez-vous vos livres ? Si vous l’avez fait, pourquoi, en inscrivant par ordre les autres dettes, laissiez-vous celle-ci qui était particulièrement importante, plus de trois ans sur des feuilles volantes ? Vous ne vouliez pas qu’on sût que Roscius avait des dettes : pourquoi l’écriviez-vous ? Roscius vous avait prié de ne pas l’enregistrer : pourquoi gardiez-vous les notes sur lesquelles vous aviez inscrit la dette ? Quoique ces raisons soient sans réplique, je ne suis point encore satisfait que je ne prouve, par le témoignage de L. Fannius, que Roscius ne lui doit rien. C’est une grande tâche ; c’est une promesse difficile à remplir. Eh bien ! si Fannius n’est pas à la fois l’adversaire et le témoin de Roscius, je veux que Roscius soit condamné.

IV. On vous devait une somme fixe, que vous demandez maintenant devant un juge, en consignant un tiers de la somme suivant la loi. Si donc vous avez demandé un sesterce de plus qu’il ne vous était dû, vous avez perdu votre cause : car un jugement et un arbitrage sont deux choses fort différentes : le juge prononce sur une somme fixe ; l’arbitre, sur une somme incertaine. Dans un jugement, il s’agit de la somme totale à gagner ou à perdre ; dans un arbitrage, il ne s’agit ni de perdre tout, ni d’obtenir autant que l’on a demandé. Les termes mêmes de la formule en sont la preuve : celle du jugement est précise sévère et simple : S’il est prouvé gué cinquante mille sesterces sont dus. Si le demandeur n’établit pas clairement que la dette est exactement de cette somme, il perd sa cause. La formule de l’arbitrage est douce et modérée : Il faut donner ce qui est le plus juste et le plus raisonnable. Ici le demandeur avoue qu’il réclame plus que la somme due, mais il se déclare pleinement satisfait de ce qui lui sera alloué par l’arbitre. Ainsi, l’un a confiance dans sa cause, l’autre ne l’a pas. Dans cet état de choses, dites-moi, Fannius, pourquoi, demandeur de cette créance, de ces cinquante mille sesterces, et sur la foi de vos registres, vous vous êtes engagé dans un compromis et un arbitrage dont le but était d’apprécier ce qu’il serait plus juste et plus raisonnable de vous faire donner ou promettre de nouveau ? Qui avez-vous eu pour arbitre ? Que n’est-il à Rome ! Il y est. Que n’est-il présent à la cause ! Il est présent. Que n’est-il un des as-