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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/762

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quelle attention scrupuleuse le sénat prit soin de le supprimer, on peut lire le sénatus-consulte. Lisez : DÉCRET DU SÉNAT. Voyez-vous l’ordre donné au préteur de la ville d’empêcher que ces objets fussent révérés comme sacrés, et de faire ôter les caractères qui pouvaient y être inscrits ou gravés ? Ô temps ! ô mœurs ! alors des pontifes empêchèrent un censeur, le plus religieux des hommes, de dédier une statue de la Concorde dans un lieu consacré par les augures ; et depuis, le sénat, de l’avis des pontifes, fit enlever un autel d’un lieu non moins auguste, où il avait été consacré, et ne souffrit pas qu’il restât une seule lettre qui pût rappeler le souvenir de cette dédicace : et vous, perturbateur de la paix et du repos, monstre funeste à la patrie, ce qu’au milieu du naufrage public, dans ces jours de ténèbres et d’aveuglement, après avoir plongé le peuple romain dans l’abîme, et anéanti le sénat, vous aurez démoli, construit, consacré, au mépris de toute religion, par un abus infâme du nom de la république, ce que vous aurez érigé comme un monument éternel de la ruine de l’État, sur le terrain d’un citoyen tel que celui qui vous parle, et dans une ville sauvée par son dévouement, à la honte des chevaliers, malgré les larmes de tous les gens de bien ; ce que vous y aurez fait graver au lieu du nom de Q. Catulus, avez-vous espéré que la république le laisserait subsister au delà du temps où elle cesserait d’être bannie avec moi de ces murs ?

Si donc celui qui a dédié n’en avait pas le droit, si ce qui a été dédié par lui ne pouvait l’être, qu’ai-je besoin, pontifes, d’insister sur ce que j’ai avancé en troisième lieu, que les cérémonies et les formules nécessaires ont manqué à cette dédicace ?

LIV. J’ai déclaré, dès le commencement, que je ne dirais rien de cette science qui vous est propre, ni des lois de la religion, ni des mystères de la jurisprudence pontificale. Je n’ai pas été chercher dans des archives inconnues ce que j’ai dit jusqu’ici sur les consécrations : je l’ai trouvé au milieu de vous, dans les actes publics de nos magistrats, dans les rapports faits au collège pontifical, dans les sénatus-consultes et dans nos lois. Quant à ces autres règles, moins répandues, elles sont de votre ressort ; c’est à vous de nous apprendre ce qu’il fallait prononcer ou dicter, toucher ou tenir. Or, quand il serait sûr que tout s’est fait d’après les instructions de Coruncanius, qui fut, dit-on, le plus savant de nos pontifes ; quand le célèbre M. Horatius Pulvillus qui, voyant la haine envieuse opposer de vains scrupules à la dédicace du Capitole, lui résista, et, sans se laisser ébranler, dédia cet auguste monument ; quand cet homme illustre aurait présidé lui-même à une pareille dédicace, la religion ne pourrait jamais autoriser le crime : à plus forte raison doit-on regarder comme nul ce qu’a pu faire un jeune homme sans expérience, nouveau dans le sacerdoce, à la sollicitation d’une sœur et par les menaces d’une mère, malgré lui, sans instruction, sans collègues, sans livres, sans autorisation de personne, sans ministre, furtivement, d’une âme et d’une voix tremblantes ; surtout lorsque l’infâme et sacrilège ennemi de toute religion, si souvent femme parmi les hommes et homme parmi les femmes, apportait de son côté, à cette cérémonie, un trouble et un désordre qui ne laissaient pas à sa langue plus d’assurance qu’à son cœur.

LV. On vous dit alors, pontifes, et bientôt