Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/129

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Lélius. En vérité, c’est me faire violence. Qu’importe, en effet, la manière dont vous me contraignez ? ce n’est pas moins une véritable contrainte. Est-il aisé, serait-il même juste de se refuser aux désirs de deux gendres, qui n’ont d’ailleurs que les plus honorables intentions ?

VIII. Lorsque je réfléchis sur l’amitié, ce qui m’arrive très souvent, une question qui me paraît importante, c’est de savoir si elle doit son origine à la faiblesse et au besoin, et si les hommes n’y ont cherché qu’un commerce réciproque de services, afin de trouver en autrui ce qu’ils ne pourraient avoir par eux-mêmes, et de payer à leur tour ces services par des bienfaits semblables ; ou si, ces bons offices n’étant regardés que comme une suite de l’amitié, elle a réellement une autre origine et plus ancienne, et plus noble, et plus naturelle. Je crois que parmi les raisons qui peuvent faire qu’on se veuille du bien l’un à l’autre, la principale est de s’aimer ; et c’est d’aimer que vient le mot d’amitié. Il est bien une amitié feinte, simulée, qu’on cultive pour un temps dans la vue d’obtenir, par elle, quelques avantages ; mais la véritable amitié n’a rien de feint, rien de simulé ; tout en elle est vrai, tout part du cœur. L’amitié me paraît donc avoir plutôt son principe dans la nature que dans notre faiblesse ; elle est plutôt l’effet d’un sentiment d’affection, d’une certaine sympathie, qu’une combinaison d’intérêt. Nous pouvons nous faire une idée de ce qu’elle est par ce qui s’aperçoit aisément dans l’amour passager de certains animaux pour leurs petits, et dans celui qu’ils leur inspirent. C’est ce qu’on voit encore plus clairement dans l’homme, d’abord par cette tendresse qui unit les enfants et leurs parents, et dont le nœud ne peut être rompu que par un crime détestable, ensuite