Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/137

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l’argent dans la plupart des hommes ; et, dans les caractères plus élevés, la rivalité des honneurs et de la gloire : combien de fois n’a-t-on pas vu, à la suite de ces luttes d’ambition, la plus grande haine succéder à la plus grande amitié ! Un autre sujet, ajoutait-il, de ruptures éclatantes, et ordinairement légitimes, c’est qu’il y a des hommes qui exigent de leurs amis des choses contre l’honnêteté, comme d’être les ministres de leur libertinage, ou les complices de leurs injustices. Quelque bon droit que leurs amis aient de s’y refuser, ils sont accusés par eux de trahir les devoirs de l’amitié. L’homme qui ose demander à son ami toute espèce de services, déclare par là qu’il est capable de se prêter pour lui à quoi que ce puisse être. C’est pour de telles causes qu’on voit souvent s’éteindre les amitiés les plus anciennes, qui souvent même font place à des haines éternelles. Il concluait que l’amitié étant environnée de tant d’écueils, il fallait, pour les éviter, autant de bonheur que de sagesse.

XI. Voyons donc, premièrement, si vous le voulez bien, jusqu’où, doit aller le zèle de l’amitié. Si, par exemple, Coriolan avait des amis, ces amis devaient-ils prendre avec lui les armes contre sa patrie ? Lorsque Viscellinus, lorsque Sp. Mélius, aspirèrent à la royauté, leurs amis devaient-ils seconder leurs desseins ? Nous voyons du moins que lorsque Tib. Gracchus commença à troubler la république, il fut abandonné par Q. Tubéron et par d’autres amis de son âge. Mais C. Blossius de Cumes, l’hôte de votre famille, Scévola, étant venu me solliciter, comme j’assistais les consuls Lénas et Rupilius dans l’instruction de cette affaire, il m’alléguait pour excuse qu’il avait tant d’estime pour Tib. Gracchus, qu’il n’avait pas cru devoir se refuser à rien