Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/143

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Gabinius sur le scrutin, et, deux ans après, celle de Cassius. Il me semble déjà voir le peuple en division avec le sénat, et les plus grandes affaires livrées au caprice de la multitude ; car beaucoup de gens s’étudieront à faire le mal, et peu à le prévenir. Pourquoi cette digression ? parce qu’on n’entreprend jamais rien de semblable sans avoir des complices. Il faut donc avertir les bons citoyens, que s’ils se trouvaient unis d’amitié avec de tels hommes, ils ne se crussent pas liés au point de ne pouvoir rompre avec des amis coupables de quelque grand attentat contre la république. Il faut aussi établir des peines qui effraient les méchants, et leur annoncer qu’elles ne seront pas moins sévères contre les complices que contre les chefs. Quel homme parmi les Grecs fut plus illustre, plus puissant que Thémistocle ? Après avoir vaincu les Perses et délivré la Grèce, l’envie l’ayant fait condamner à l’exil, il ne supporta point, comme il l’aurait dû, l’injustice et l’ingratitude de sa patrie. Il fit ce que vingt ans avant lui avait fait à Rome Coriolan. Personne ne voulut partager leur révolte contre la patrie, et tous les deux se donnèrent la mort. Loin donc de couvrir de l’excuse de l’amitié les complices des mauvais citoyens, il faut, au contraire, leur montrer les châtiments qui les attendent, afin que personne ne se croie autorisé à suivre le parti d’un ami qui ferait la guerre à sa patrie. À voir le train que les choses ont commencé de prendre, je n’assurerais pas qu’un tel malheur n’arrivât un jour[1] ; et les destinées de la république après ma mort ne m’intéressent pas moins que la situation où elle peut se trouver aujourd’hui.

XIII. Consacrons donc cette première loi de l’amitié,

  1. Allusion à l’usurpation de César.