Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/149

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XIV. L’amitié venant à se former, comme je l’ai dit plus haut, lorsqu’aux signes qui annoncent la vertu se joint la conformité du caractère et des sentiments, toutes les fois que ces deux choses se rencontrent, l’affection en est la suite nécessaire. Quoi de plus absurde, en effet, que de se complaire dans une foule de choses vaines, telles que la gloire, les honneurs, les édifices, les habits, la parure, et d’être indifférent à la possession d’un cœur qui puisse vous chérir, et si j’ose ainsi parler, vous rendre amour pour amour ? Rien n’est plus doux que cette réciprocité de bienveillance, de zèle et de services. Si nous ajoutons à cela, ce qui est très vrai, qu’il n’est rien où la sympathie se fasse mieux sentir que dans l’amitié entre les cœurs qui se ressemblent ; nous en conclurons infailliblement que les bons s’aiment et se recherchent entre eux, comme s’ils étaient unis par les liens du sang et par la nature. Il n’est point de plus forte et de plus vive attraction que celle qui s’exerce, dans la nature, entre les choses qui se ressemblent. Il est donc bien constant, Fannius et Scévola, qu’il existe nécessairement une bienveillance mutuelle entre les bons ; et c’est là le principe naturel de l’amitié. Mais cette même bonté peut se répandre sur tous les rangs de la société ; car la vertu est douce et humaine ; elle n’est ni égoïste[1], ni orgueilleuse. Elle veille souvent au bonheur et à la défense d’un peuple entier, ce qu’elle ne ferait certainement pas, si elle n’embrassait tous les hommes dans une même affection. Il me semble encore que ceux-là

  1. Ernesti a bien tort de vouloir lire immanis. Nous avons déjà parlé d’immunis, tom. II, p. 327 ; tom. III, p. 145. Munis, dans l’ancienne langue latine, voulait dire, qui officiis fungitur. Il paraît même (Nonius, c. i, n. 88) que ce mot se rapportait surtout aux devoirs de l’amitié.