Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/163

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écueils de la constance, en amitié, sont la prospérité et l’adversité : la plupart nous méprisent lorsqu’ils sont heureux, ou nous abandonnent dans nos disgrâces. Il faut donc regarder comme un homme d’une espèce rare et presque divine, l’ami solide qui ne varie point avec la fortune.

XVIII. Le fondement de cette stabilité, de cette constance que nous cherchons dans l’amitié, c’est la confiance : sans elle rien de stable en amitié. Choisissez donc un ami simple, communicatif, qui pense et qui sente comme vous ; tout cela tient à la fidélité. Un esprit tortueux, et qui prend toutes les formes, ne peut être fidèle ; et celui qui n’est pas touché des mêmes choses que vous, qui n’a pas naturellement la même façon de penser que vous, ne saurait être un ami sûr et constant. Il faut ajouter encore que notre ami ne doit, ni se plaire à nous prêter des torts, ni croire à ceux qu’on nous prête : toutes ces choses tiennent beaucoup à cette constance sur laquelle j’insiste. Il est donc vrai, comme je l’ai dit en commençant, que l’amitié ne peut exister qu’entre honnêtes gens ; car il est dans le caractère de l’honnête homme, qu’on peut aussi appeler sage, d’observer ces deux règles en amitié : la première, de n’avoir rien de faux, rien de simulé ; il est plus généreux de haïr à découvert que de masquer ses sentiments ; la seconde, de détruire les inculpations faites à son ami, sans être soi-même soupçonneux et toujours prêt à le croire coupable(19). Pour achever le portrait, joignez à tout cela une certaine aménité dans les discours et dans les mœurs, qui est le plus doux assaisonnement de l’amitié. La tristesse doit en être bannie, ainsi qu’une continuelle sévérité : c’est là sans doute le propre d’un caractère grave,