Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/177

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de la vertu et non la complice du vice, afin que la vertu, qui ne pourrait dans l’isolement s’élever aux grandes choses, pût y parvenir avec l’appui d’une telle alliance ; et ceux pour qui cette alliance existe, ou a existé, ou doit exister un jour, la regarderont à juste titre comme la meilleure et la plus heureuse qu’on puisse former pour arriver au souverain bien.

C’est dans cette association, dis-je, qu’on trouve tout ce qui mérite l’amour des hommes, l’honnêteté, la gloire, la tranquillité et la joie de l’âme, tous ces biens qui font le bonheur de la vie, et sans lesquels on ne peut être heureux. Pour parvenir à cette félicité suprême, il faut pratiquer la vertu, sans laquelle nous ne saurions jouir ni de l’amitié, ni d’aucune chose vraiment désirable. Ceux qui négligeront la vertu et croiront néanmoins avoir des amis, reconnaîtront leur erreur au premier jour de l’adversité. Il faut donc (on ne saurait trop le répéter) tâcher de connaître avant d’aimer, et non pas lorsqu’on aime(22) ; et si notre négligence nous est funeste dans bien des choses, c’est surtout dans le choix et dans le commerce de nos amis. Les précautions arrivent alors trop tard, et, comme on dit, nous finissons par où il aurait fallu commencer. Après s’être liés de toute manière, soit par un commerce de tous les jours, soit même par des services, une offense reçue vient tout à coup rompre une amitié dont les nœuds étaient formés depuis long-temps. Une si grande insouciance dans une affaire aussi importante est bien condamnable.

XXIII. En effet, rien au monde n’est reconnu généralement pour utile, que l’amitié. La vertu elle-même est l’objet du dédain de certains hommes qui ne vou-