Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/179

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draient la faire passer que pour une vaine ostentation, une espèce de charlatanerie. Plusieurs méprisent les richesses et se plaisent dans la médiocrité. Les honneurs qui enflamment les désirs de tant d’autres, combien d’hommes qui les dédaignent et les regardent comme ce qu’il y a de plus futile et de plus frivole sur la terre ! Il en est de même de tout le reste ; ce qui est admirable pour les uns n’est rien aux yeux des autres. Mais sur le compte de l’amitié il n’y a qu’une voix, qu’une seule opinion : et ceux qui gouvernent les affaires publiques, et ceux qui se livrent à l’étude et aux recherches savantes, et ceux qui bornent leurs soins à leurs intérêts particuliers, tous enfin, ceux même dont le plaisir est la seule occupation, pour peu qu’il leur reste quelque noblesse dans l’âme, tous conviennent que la vie n’est rien sans l’amitié. Elle s’insinue, je ne sais comment, dans tous les états ; elle étend sa douce influence sur toutes les conditions, et ne souffre point qu’on se passe d’elle. Bien plus, s’il existe un homme d’un naturel assez sauvage, assez farouche, pour fuir, pour détester la compagnie des hommes, comme faisait, à ce qu’on dit, un certain Timon d’Athènes, il faudra encore qu’il cherche quelqu’un auprès de qui il puisse exhaler son venin. Cette vérité serait surtout mise dans le plus grand jour, si quelque dieu enlevait un homme du milieu de ses semblables, et le plaçait dans quelque désert, où, lui fournissant en abondance tout ce que la nature peut désirer, il lui refuserait absolument le moyen et l’espérance de voir jamais personne : quelle est l’âme de fer qui pût à ce prix-là supporter la vie, et, dans cette affreuse solitude, trouver encore quelque charme à la jouissance de tous les plaisirs ? Une chose bien vraie, c’est ce que disait souvent Archytas de