Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tarente, comme je l’ai appris de quelques vieillards à qui d’autres l’avaient rapporté(23) : Que si quelqu’un montait au ciel, que de là il contemplât le spectacle du monde et la beauté des astres, il ne serait que faiblement touché de toutes ces merveilles, qui l’eussent jeté dans le ravissement, s’il eût eu quelqu’un à qui les raconter. Ainsi, la nature de l’homme répugne à la solitude, et semble chercher toujours un support : elle en trouve un bien doux dans l’amitié. Mais tandis que cette même nature manifeste par tant de signes ses volontés, ses désirs, ses besoins, je ne sais par quelle fatalité nous demeurons sourds aux avertissements et aux conseils qu’elle nous donne.

XXIV. Comme l’amitié embrasse tous les détails de la vie, on a souvent des sujets de plainte et de soupçon, qu’il est sage de prévenir, ou de détruire, ou de supporter. La seule occasion où l’on ne doive pas craindre d’offenser un ami, c’est quand il faut lui dire la vérité et parler avec franchise(24) ; car il arrive souvent qu’un ami a besoin d’être averti ou réprimandé ; et nous-mêmes nous devons prendre en bonne part ces remontrances, quand on nous les fait par amitié. Mais il n’en est pas moins vrai que, comme le dit mon ami Térence dans son Andrienne[1],

« La complaisance flatte, et la vérité blesse. »

La vérité est fâcheuse, sans doute, lorsqu’elle produit la haine, qui est le poison de l’amitié ; mais la complaisance est funeste ; car, en excusant les fautes d’un ami, elle le précipite à sa ruine. Le plus coupable est celui qui méprise la vérité, et se laisse pousser au mal par la flatterie. Nous devons donc mettre notre attention et

  1. Act.I, sc. i, vers 41.