Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/183

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et nos soins à écarter de nos avertissements l’âpreté, et de nos reproches l’injure. Que notre complaisance (pour ne point changer le mot dont Térence s’est servi) se borne aux égards de la politesse ; mais loin de nous cette flatterie qui favorise le vice, et qui est indigne, je ne dis pas d’un ami, mais d’un homme libre ; car on doit vivre avec son ami autrement qu’avec un tyran. Quant à celui qui repousse la vérité, jusqu’à ne pouvoir l’entendre de la bouche de son ami, il faut désespérer de son salut. Caton, qui nous a laissé tant de sages maximes, prétendait que nous avions souvent plus d’obligation à des ennemis déclarés qu’à des amis trop indulgents, parce que ceux-là nous disent souvent la vérité, et que ceux-ci ne la disent jamais. Il est contre toute raison que les hommes qu’on avertit de leurs fautes, ne ressentent pas la peine qu’ils devraient ressentir, et ressentent précisément celle qu’ils devraient s’épargner. Au lieu d’être fâchés d’avoir mal fait, ils le sont d’être repris. Il faudrait, au contraire, se repentir de la faute qu’on a faite, et s’applaudir de l’avis qu’on reçoit.

XXV. Puisque c’est le propre de la vraie amitié de donner et de recevoir des avis, de les donner avec franchise et sans âpreté, et de les recevoir sans impatience et avec douceur, il suit de là qu’il n’est rien de plus pernicieux en amitié que la flatterie, les manières doucereuses, la complaisance outrée. On ne saurait employer trop d’expressions différentes pour mieux signaler le vice de ces hommes frivoles et artificieux, toujours prêts à dire ce que vous voulez, et jamais à dire la vérité. La dissimulation est funeste en toutes choses, puisqu’elle obscurcit et corrompt l’idée du vrai ; mais elle est surtout contraire à l’amitié : elle détruit la vérité,