Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/293

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pas rougi de faire l’aveu d’un adultère en votre présence ?

VI. Si j’avais voulu, Salluste, ne vous rien répondre de moi-même ; si je m’étais contenté de lire devant tout le monde cette note infamante que les deux censeurs, Appius Claudius et L. Pison, les plus intègres des hommes, prononcèrent légalement contre vous, n’en était-ce pas assez pour vous imprimer une tache éternelle, que tout le reste de votre vie ne pourrait effacer ? Depuis cette revue du sénat, on ne vous a plus rencontré ; et peut-être vous êtes-vous jeté dans ce camp qui fut alors comme la sentine de la république(4). Mais ce même Salluste, qui, durant la paix, n’était pas même demeuré sénateur, une fois que la république fut opprimée par les armes, et que l’on vit des exilés rentrer vainqueurs dans Rome, eut le droit de reparaître au sénat après une seconde questure. Dans cet emploi, il regarda comme vénal tout ce qui trouvait quelque acheteur ; il suffisait qu’une chose lui convînt pour qu’elle fût juste et légitime à ses yeux ; ses déprédations furent telles qu’il semblait regarder cette magistrature comme un butin fait sur l’ennemi. Au sortir de la questure, où il s’était empressé de donner des gages à ceux que la conformité des mœurs avait faits ses amis, il fut enfin reçu dans le cortège du maître : Salluste appartenait de droit à cette faction où s’était réfugié, comme dans un repaire inaccessible, tout ce qu’il y avait de gens impudiques et infâmes, d’assassins, de sacrilèges, de débiteurs, à Rome, dans les villes municipales, dans les colonies, dans l’Italie entière ; où s’étaient rassemblés pendant ces jours de troubles tous ceux dont la réputation était perdue, ou que leurs vices avaient signalés ; tous ceux qui n’avaient d’autres qualités pour la guerre que la licence des mœurs et le désir des révolutions.