Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/307

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tant de zèle et d’ardeur à vous rendre de signalés services, rien ne serait plus injuste que votre indifférence à les reconnaître ; et vous ne devez pas souffrir qu’un homme, dont vous auriez dû par vos louanges et vos honneurs augmenter la dignité et la gloire, puisse vous reprocher d’abandonner ses intérêts et son salut.

III. En effet, ce serait une erreur de croire que M. Tullius ait encouru une condamnation capitale, pour avoir commis un crime, pour avoir nui à sa patrie, pour s’être conduit honteusement. On ne l’accuse d’aucun délit, on ne lui reproche que sa vertu. A-t-il donc attaqué de vive force la république ? Non, mais il était homme nouveau, et il a osé déconcerter les funestes complots des nobles(3). On m’oppose, non pas une vie honteuse et criminelle, mais une conduite pure et irréprochable. Ce n’est point la haine des bons qui m’accable, c’est la colère des méchants. On reconnaît que M. Tullius, environné des témoignages les plus éclatants et des plus beaux monuments de son courage, se trouvera toujours heureux s’il respire. On veut donc lui ôter la vie, afin de lui ôter avec la vie ce bonheur que sa conscience lui donne. N’est-il pas indigne que ceux qui n’ont pas voulu partager avec moi les dangers du combat, me disputent le prix de la victoire ? que ceux-là me contestent le mérite de mes actions, qui se sont laissés vaincre volontiers en dévouement et en courage ? Si la gloire vous plaît, cherchez la vertu, et ne m’enviez point l’honneur, quand vous avez dédaigné de le mériter. Que dis-je, l’honneur ? ils veulent m’ôter ma réputation, ma fortune, ma famille, mes enfants, ma tête, mon corps(4), mon sang, ma vie. Opprimé,