Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

persécuté, je quitte à regret les affaires publiques ; je renonce à mon rang, à ma dignité ; je cède, vaincu par l’audace des méchants. Mais conservez dans Rome, sinon M. Tullius lui-même, le gardien de cette ville, le défenseur de tous, le père de la patrie, du moins ce qu’il en reste encore ; qu’il lui soit permis de vivre sous les yeux de ses concitoyens, dans une ville qu’il a arrachée à la fureur des parricides, et de voir toujours ces demeures, ces temples, ces remparts, délivrés par ses dangers ; qu’il lui soit permis d’échapper aux flammes de la haine, à cet incendie sacrilège, allumé par les plus pervers des hommes, et qu’il a mieux aimé éteindre par ses larmes que dans votre sang. Je ne vous demande point de m’accorder la vie ; mais je réclame de vous une existence que je vous ai conservée. Si vous vous rappelez cette dette, loin de l’oublier jamais, vous devez chercher à vous acquitter.

IV. C’est vous, oui, c’est vous que je prends à témoin, dieux immortels, dont les lumières m’ont guidé lorsque j’ai rompu les fils de cette conjuration ; lorsque j’ai détourné l’incendie qui menaçait Rome et le Capitole ; lorsque j’ai empêché, Romains, que des bras et du sein de leurs mères on n’entraînât vos enfants à la mort et au carnage. Puis-je être reçu par mes clients, lorsque ceux qui devraient me retenir me rejettent loin d’eux ? Où fuiront nos alliés, quand on défend l’accès de la patrie à celui qui l’a sauvée ? Quel espoir de salut restera-t-il aux autres, quand des citoyens n’osent pas même se flatter de conserver leurs droits ? Les étrangers pourront-ils compter sur la paix et sur la concorde, quand elles ne subsistent plus dans Rome, et qu’on fait la guerre à celui qui veillait pour sa patrie ? Mais pourquoi vous retracer les crimes des méchants, et par le souvenir de