Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/317

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dans le péril qui le menace, serez-vous longtemps libres, vous qui n’avez pas autant d’autorité, vous qui n’avez pas rendu tant de services à la patrie ? Croyez-moi, le malheur d’un seul, s’il est une fois décidé, fera le malheur de plusieurs ; et si l’on ne s’y oppose, il deviendra, par l’impunité, funeste à tous les citoyens. Travaillez donc au salut commun en songeant au mien, ou attendez-vous au même sort. Jamais l’homme le plus dépourvu de crédit, le plus déréglé, le plus coupable, ne se vit, même après avoir fait l’aveu de son crime, condamné par les juges, avant d’avoir été convaincu. Moi, accablé tout à coup par la tyrannie d’un tribun, loin de pouvoir me défendre librement devant les tribunaux, je ne puis même séjourner à Rome. On m’exile, non seulement sans avoir entendu de témoins, sans indice, sans prétexte, mais encore sans accusateur, sans délit. À la guerre, des ennemis que tout éloigne de nous, qui ont les armes à la main, qui en veulent sans cesse à notre vie, peuvent, dans la mêlée même, parler et s’expliquer ; et moi, au sein de la paix, moi, citoyen, moi qui ai résisté à la fureur des méchants, je ne pourrai défendre mon existence devant vous ? Des esclaves que l’on traîne au supplice après avoir été battus de verges, peuvent se défendre devant ceux qu’ils ont voulu assassiner ; et moi, consulaire, je ne pourrai parler devant ceux qui me doivent leur salut ? Je me tairai, s’il est nécessaire ; je me tairai, dis-je, volontiers, parce que, malgré mon silence, ma vertu même parlera pour moi.

VIII. Ainsi, quoique dans ce discours je ne veuille rien dire de mes actions ; cependant je laisserai dans