Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/333

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gratitude et la perfidie d’Octave. » L’abbé Prevost, dans son Avertissement sur les mêmes Lettres, porte de celle-ci un jugement à peu près semblable : Il ne m’a paru d’aucune utilité, dit-il, de laisser à la suite des lettres à Brutus cette misérable déclamation, qui n’a jamais pu faire douter si elle était l’ouvrage de l’orateur romain. Une lettre informe, où toutes les faiblesses de l’âme la plus basse se trouvent réunies avec mille grossièretés de langage, ne peut avoir été publiée sous son nom, que comme on trouve souvent le plus vil cabaret sous l’enseigne de nos rois. »

Si l’on veut parcourir un instant la Lettre à Octave, on partagera sans peine l’opinion de ceux qui la croient supposée. On jugera seulement que si Érasme est trop favorable à cet ouvrage, Middleton et Prévost sont beaucoup trop sévères. Le style, malgré quelques phrases affectées ou mal construites, et quelques mots qui paraissent impropres ou de mauvais goût, n’est pas, en général, indigne du siècle de Cicéron ; il a quelquefois de l’élégance et de l’harmonie. Ce mérite de l’expression, au moins dans un certain nombre de passages, et les connaissances historiques et locales qu’on trouve çà et là dans cette composition, nous engagent à croire qu’elle n’est point postérieure aux premiers Césars. Peut-être même fut-elle écrite sous le règne d’Auguste par quelque ennemi du gouvernement qui, après avoir étudié les ouvrages de Cicéron, et surtout les Philippiques, aura pris pour sujet d’exercice les plaintes de Cicéron à Octave, et aura fait circuler cet écrit sous le nom du plus illustre défenseur de la liberté et des lois. L’auteur, sans doute, ne ménage pas assez la vraisemblance dans le parallèle qu’il fait d’Antoine et d’Octave ; Cicéron n’aurait jamais dit ce qu’il lui fait dire ; il n’aurait jamais regretté de n’avoir pas souffert Antoine pour maître. Mais c’est là un des traits qui nous semblent prouver que l’auteur, quel qu’il soit, ne consultait que sa haine pour Auguste ; mettre Octave au-dessous d’Antoine, tant méprisé par Cicéron, n’était-ce pas en faire le dernier des hommes ? J. V. L.