Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/335

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LETTRE À OCTAVE.


CICÉRON À OCTAVE, Salut.

Si vos légions, pleines de fureur contre le peuple romain et contre moi, m’avaient permis de venir au sénat, et d’y défendre la république, je l’aurais fait moins de mon propre gré que par devoir ; car je n’ignore pas que les remèdes les plus salutaires sont, aussi les plus douloureux. Mais puisque des cohortes armées tiennent le sénat assiégé, et ne laissent présider aux délibérations que la terreur et l’effroi ; puisque vos étendards flottent sur le Capitole, que Rome est inondée de vos soldats, que vous campez dans le champ de Mars ; que l’Italie entière est couverte de légions enrôlées pour défendre notre liberté, et qui ne nous présentent aujourd’hui que des chaînes ; que la cavalerie étrangère sert de nouvel appui au despotisme ; je pars, je vous abandonne le forum, le sénat, et les temples des dieux immortels, ces temples où délibéraient les pères de la patrie depuis la renaissance de la liberté, mais où, depuis qu’elle est opprimée de nouveau, ils ne sont plus consultés, craignent tout, et doivent consentir à tout. Oui, forcé par les circonstances, je vais quitter Rome. Je ne l’avais conservée que pour la faire jouir de la liberté ; mes yeux ne pourraient s’accoutumer à la voir dans la servitude. Cette vie même, dont les amertumes ne sont adoucies pour moi que par l’espoir d’être encore utile à mes concitoyens, si je perds cet espoir, je la quitterai aussi, et l’on verra